vendredi 15 avril 2016

Prêtres pédophiles



On parle beaucoup de la pédophilie des prêtres en ce moment, et vu l’étendue du problème, on a raison d’en parler.
Je m’empresse de préciser que j’ai été élevé par des Frères puis des prêtres et que ni moi ni (à ma connaissance) mes petits camarades n’ont eu à subir ce genre de traitement. Comment aurais-je réagi ? Difficile, en tant qu’adultes, de nous remettre dans la mentalité des enfants que nous étions. Je me souviens tout de même d’avoir été accosté sur une plage par un homme encore jeune qui voulait me tailler une pipe. Je l’ai remis à sa place avec un calme qui me surprend encore.
Ceux qui ont fait la guerre disent toujours : tant qu’on n’est pas soi-même allé en guerre, on ne peut pas savoir comment on réagirait. Il n’est pas rare, précisent-ils, de voir les matamores chier dans leur froc alors que le gringalet qui était instit ou clerc de notaire fait preuve d’un sang-froid et d’un courage admirables. Tout ce que je peux imaginer, si un prêtre m’avait abordé sexuellement, c’est que j’aurais éprouvé un immense dégoût. S’il s’était agi de sodomie j’aurais certainement hurlé comme un putois puis je serais allé tout raconter à mes parents et ça aurait « bardé » comme on dit.
Là, j’ouvre une parenthèse. Prisonnier de guerre en Allemagne, mon père avait été mis avec des prisonniers de droit commun qui l’avaient régulièrement violé. À la seule mention du mot « sodomie », il voyait rouge. Petit homme râblé et musclé ayant pratiqué la boxe dans sa jeunesse, il serait certainement allé casser la gueule à toute personne, prêtre ou non, qui m’aurait violé, et cela sans s’inquiéter des conséquences.
D’après les révélations qui, depuis une vingtaine d’année, déchirent le secret institutionnel, la sodomie pratiquée par des prêtres sur des enfants reste rare. Les caresses et les exigences de masturbation ou de fellation réciproque sont, par contre, beaucoup plus fréquentes. Cet immense dégoût que je mentionnais plus haut aurait été, il me semble, déclenché surtout par le manque d’hygiène de ces prêtres. En effet, ils étaient sales. Ils avaient mauvaise haleine. Beaucoup fumaient. Ils sentaient la crasse, la sueur et même la pisse. C’est peut-être cela qui m’aurait sauvé.
Le jésuitisme ou, si l’on veut la casuistique, consiste à faire accepter l’inacceptable. L’argument selon lequel il n’y a pas QUE les prêtres qui s’adonnent à la pédophilie est avancé de plus en plus fréquemment par les défenseurs de l’église. C’est vrai, bien sûr. Rien de plus pernicieux, cependant, qu’un argument qui contient une partie de vérité mais en cache soigneusement une autre. Cette autre partie, c’est que les prêtres tonnent et vocifèrent contre tout ce qui est sexuel. Ils se retrouvent dans la position d’un voleur qui condamnerait rondement le vol. On peut « accepter » le fait qu’un être vil, irresponsable, brutal et égoïste soit tenté par la pédophilie. On ne peut et on ne doit pas l’accepter de la part de ceux qui nous font la morale.
Autre argument qui sent le jésuitisme à plein nez : les prêtres ont fait vœu de célibat, pas de chasteté ! On croirait entendre l’un de ces avocats pourris qui défendent les pires criminels.
N’est-il pas temps, en effet, de permettre aux prêtres de se marier ?
On fait alors face à un autre argument spécieux avancé par les tenants du statu quo : il y a des gens mariés qui sont également pédophiles. Là encore, c’est vrai. Là encore, l’argument est perverti par le fait que les gens mariés pédophiles sont rares, et surtout ne sont pas ceux qui se disent nos guides en matière d’éthique.
Autre argument anti-mariage : le mariage des prêtres ne résoudrait pas complètement le problème. Encore un argument pervers. Depuis quand une mesure doit-elle être efficace à 100% pour être adoptée ? Si un médicament guérit 80% de ceux qui souffrent de telle ou telle maladie, doit-on le mettre à la poubelle à cause des 20% qui ne sont pas guéris ?
Mais d’abord d’où vient cette aberration qui consiste à rendre le célibat des prêtres obligatoire ?
Jusqu’à une époque assez récente, on disait que c’était pour que le prêtre puisse se consacrer entièrement à son épiscopat. Cela implique avec une arrogance abyssale que le clergé protestant, orthodoxe ou maronite ne fait pas bien son boulot.
Récemment, on entend un nouvel argument : c’est pour éviter les dynasties de prêtres ou d’évêques de père en fils. Et alors ? Si l’ordination du prêtre est faite dans les règles, et si le choix de l’évêque est objectif où est le mal ? Les cas de pasteurs protestants dont les fils deviennent à leur tour pasteurs ne sont pas rares et je ne pense pas que cela ait ébranlé leur église sur ses fondements. Les papas médecins transmettent souvent la vocation de la médecine à leurs enfants, les musiciens aussi, et c’est le cas dans bien d’autres professions.
En fait – et l’église a fini par l’admettre – le vœu de célibat a été institué pour que les biens et avoirs des prêtres reviennent à l’église quand ils meurent, plutôt qu’à leurs enfants. C’est une simple histoire de gros sous.
“Qui veut faire l’ange fait la bête” disait Pascal. Quand, par des règlements absurdes qui frisent le sadisme, on exige des prêtres qu’ils soient des anges, ne nous étonnons pas si certains d’entre eux se comportent comme des bêtes.

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