mardi 29 septembre 2015

Le classicisme



Dans Qu’est-ce que le Classicisme ? Henri Peyre dit, à la page 91 : “Tout mouvement nouveau en France (le Romantisme l’a bien senti) doit tôt ou tard soutenir, dans l’estimation de son apport psychologique, la redoutable comparaison avec les Classiques du XVII° siècle”.
À cette estimation de son apport psychologique j’ajouterais : "et dans l’estime du public".
Et l’existentialisme ? Camus n’a-t-il pas (à sa manière évidemment) un style classique ?
Les Classiques étaient, en effet des passionnés.
-         Ils étaient d’abord passionnés par l’Antiquité, une Antiquité qui n’avait pas perdu de sa fraîcheur, non seulement grâce à l’enseignement du grec et du latin dans les écoles, mais surtout parce que le caractère inquiétant (pour les Chrétiens) de ces littératures pré-chrétiennes, n’avait pas fini d’étonner. Comparées à la mentalité chrétienne, les mentalités antiques devaient paraître aussi étranges que, plus tard, nous ont parues étranges les valeurs culturelles des Japonais.
Cependant, si j’avais vécu au XVII° siècle, j’aurais certainement été un Moderne ; non par mépris pour l’Antiquité mais parce que le Christianisme donnait depuis longtemps aux littératures occidentales un éventail de valeurs et de références dont on ne pouvait plus se passer, même en s’y opposant. Les concepts de charité et de tolérance (si peu appliqués par l’église catholique elle-même) étaient bien établis. On ne disait pas tolérance, on disait pardon ou clémence mais qui pardonne tolère. L’idée fondamentale du Christianisme n’en demeure pas moins la faculté de se mettre, en théorie, dans la peau des autres et de sympathiser avec leurs joies et leurs douleurs, c’est à dire d’aimer les autres comme soi-même. Le génie de Racine, qui symbolise le classicisme – et en représente le sommet – a été de donner des vibrations chrétiennes à des intrigues antiques.
-         Ils étaient ensuite des passionnés de l’introspection. La psychanalyse freudienne n’étant pas encore née, psychologie signifiait essentiellement introspection. Quand j’étais gamin, on se moquait beaucoup du roman psychologique. On le qualifiait de facile ; mais aucun genre n’est facile. Quel que soit le genre littéraire que l’on adopte, quelle que soit l’étiquette qu’on vous colle sur le dos, le mot de la fin est d’avoir du talent ou de ne pas en avoir. Les personnages de Racine adorent s’analyser. Ils ne s’occupent guère d’analyser les autres. Le contenu émotionnel de cette introspection nous emporte. Oreste sait qu’il n’aurait pas dû revenir en Épire. Pyrrhus sait qu’il ne devrait pas aimer Andromaque. Hermione sait qu’elle ne devrait pas faire assassiner Pyrrhus etc. ; mais ils le font quand même. Chez Corneille comme chez Racine, les hésitations et les combats intérieurs sont souvent de même nature. Les personnages de Corneille surmontent leurs doutes et leurs hésitations ; ceux de Racine y succombent. Bérénice, chez Corneille comme chez Racine, choisit la raison d’État. Corneille grandit son héroïne ; Racine la détruit. Notre cœur se déchire avec celui de la Bérénice de Racine. On ne se souvient même plus de la pièce de Corneille.
-         Ils étaient surtout amoureux de la langue française. Même un philosophe comme Descartes s’exprime de façon magnifique. Ils avaient conscience du fait qu’une langue évolue. Le choix d’un vocabulaire simple et d’une grammaire rigoureuse signifie que 300 ans plus tard, on les comprend sans effort. Ce n’est pas un accident. Comme le dit Henri Peyre : “L’exemple des anciens… l’incite à… rechercher… l’élément constant de la beauté, celui qui survivra le plus sûrement au naufrage des siècles”.
-         Enfin, ils étaient souvent jeunes, et même révolutionnaires. Racine avait vingt-quatre ans quand il a écrit Andromaque. Boileau, au même âge, s’insurgeait contre la médiocrité des poètes de son époque. On est loin de l’image « vieux barbus » qui, à cause d’une autre médiocrité (celle des profs) est devenue l’image qu’emportent avec eux les collégiens.

Henri Peyre continue : “Le vrai classique… fait en sorte que les mots ne dépassent ni ne forcent la pensée ou le sentiment.” Là, je ne suis pas d’accord. Les mots des auteurs classiques dépassent constamment la pensée ou le sentiment, et ils le font par le choix même de ces mots, par leur sonorité, par la faculté qu’ils ont de libérer, de déranger ou d’électriser notre subconscient. Racine, en particulier, était freudien avant la lettre.

dimanche 27 septembre 2015

Tess Gerritsen



Tess Gerritsen : a great storyteller. She also writes scripts for Rizzoli and Iles. How is a writer supposed to deal with the literary description of physical love ? Somehow, I don’t think Gerritsen is typical in that respect. In Whistle-blower, the two main characters kiss feverishly at the most awkward of times, especially when they are hurt or chased by bad people, which in real life, and in similar circumstances, would mean that they would be racked with pain and fear, or both. Passionate kissing would be the last thing on their minds. This is so psychologically unrealistic that it spoiled my enjoyment of the story, but not enough to keep me from wanting to read another novel by Tess.      

samedi 26 septembre 2015

On the Road



I started reading Jack Kerouac’s On the Road, and about time, you might say. All my life, I had expected this book to be a sort of hysterical gospel of the beat generation. In a way, it is, but above all it’s a hymn to the United States, its vastness, its sadness, its poetry and melancholy. It’s got something of John Steinbeck’s Travels with Charlie with, in the background, Ennio Moricone’s music for Once upon a time in the West. I’m glad I first went to Arkansas, Missouri, Iowa, South Dakota, and also New Mexico and Arizona before I read this book. I can taste the wide open vistas, the mesmerizing monotony of endless roads over perfectly flat land, the sense of emptiness in this under populated country. Also, I understand somewhat better Aaron Copeland’s Fanfare for the common Man. All so beautiful and heartbreaking !  Like Kerouac, but under much more comfortable circumstances, I enjoyed the impact of unexpected encounters : an Indian in New Mexico, for instance, at a service station. He’d noticed my Little Rock, Razorback T-shirt, and we started talking. “I just spent several years in Little Rock” he said. “Now, I’m going home” : a simple statement, as moving as a haiku. You could never be friends with these brief encounters ; here now, gone a few seconds later, yet they stay with you all your life.
Kerouac’s style has a lot to do with the fascination one quickly feels for the novel. Style can turn an ordinary story into a magic one. Here, sentences are clear, yet enhanced now and then by poetic touches : a misleading simplicity, and no mean feat.
The major drawback lies in Kerouac’s obsession with booze, beer and getting drunk. Characters in the novel - including the main character - are always complaining that they are short of money, and it’s very true that they are not exactly rolling in it, but if they didn’t drink so much, they would have enough to get by, most of the time. The story takes place in 1947. By the time I went to live in North America (Canada is the same) it hadn’t changed. For me, the year was 1963. If a man managed to take a girl to a motel with him, he also had to bring in a bottle of whiskey. Apparently, it’s still like that. What a sad, sad outlook on sex ! Getting drunk on cheap booze instead of getting drunk on each other ! When the body is fighting against 6 shots of Bourbon, orgasms are reduced to the mere release of biological tensions instead of the last movement in a grand symphony of sensations and emotions.
In California, Jack meets a lovely Mexican girl with blue eyes, which prompts an old farmer to say that, at some point, “the bull jumped over the fence.” You just know that their affair is not going to last, even if it keeps on for a few weeks. Jack Kerouac’s talent means that, as a reader, you are more in love with the girl than the male character ever was. There is great sadness at their parting (there is great sadness throughout the book), but love, real love, deep love is never an element of the story, and that makes it even more poignant. On the Road is a drifting odyssey of self-centred people who are not even aware that they are self-centred. It’s an ode to complicated losers.