vendredi 17 avril 2020

Book review : Crawdads.


Delia Owens’ "Where the Crawdads sing" is a best-seller. It doesn’t just say so on the cover : it really is a best-seller, and I am very glad that it should be. It’s got everything : social consciousness, condemnation of racism, exposure of domestic abuse, a detective story, a court drama, scathing exposure of snobbery, but also displays of generosity, kindness and humanity.

The main character is Catherine, nicknamed Kya. She is brutalized by an alcoholic father whom everyone avoids, including her own mother. In the end, she is left to live alone in a shack at the age of six, in the middle of the North Carolina marshes. Somehow, she manages to survive. While doing so, she unwittingly becomes an expert on marshland : its waterways, vegetation, fauna and marine life.

You would think that the good, righteous, church-going citizens of Barkley Cove, the nearest small town, would instinctively have organized help for this abandoned child… Not a bit. She is “white trash”, barely above the status of animals. Kya shows up at school, one day, only to be ridiculed and rejected by the other children. The teacher, who could have shown some Christian compassion (makes you wonder if there is such a thing) does nothing to discourage the little bullies. Kya will never go back to school after that. Paradoxically, the only person who develops a soft spot for Kya, is the county truancy officer. She can’t help admiring the ingenuity and survival skills of the child.

Kya grows up alone, with the reputation of a being a wild child. Soon, she is known only as The Marsh Girl, which means, of course, that when a young brutal and arrogant football player is found dead, she becomes the ideal suspect.

Two rays of sunshine in her dark life : Tate, a boy who is a few years older than her, and who teaches her how to read and write. There is also a black couple who run a small boat service station cum grocery shop on the wharf.

Kya loves, understands and studies the marsh ; to the extent that she manages to have several books published on the subject.

What props and sustains the plot and the characters, is Delia Owens’ style. Such beautiful, fluid, poetic prose ! As a reader, you are made to see, hear, smell, taste, touch and feel the mash. To the five senses Delia Owens ads the sixth sense of dreams and exaltation. She is not just a great writer : she is also a scientist. Her style is clear ; the structures of the story are impeccably constructed, all the way to the unexpected twist at the end.

We have more than a masterpiece, here : we have what will become an American classic.


samedi 14 mars 2020

Esclavage


Mes ancêtres les Gaulois (ou Juifs, ou Espagnols ou Irlandais) se sont battus entre eux sans pitié pendant des milliers d’années. À l’époque romaine, ils ont nourri les tigres et les lions des arènes, ainsi que le sadisme des spectateurs. Ils ont été condamnés à ramer sur les galères. Ils ont été esclaves des riches Romains.

Au Moyen-Age, ils ont continué à être les esclaves des riches et des puissants, même si on les appelait serfs. Le vocabulaire ne change pas la réalité. Ils travaillaient pour leur seigneur douze heures par jour, et n’avaient pas le droit de sortir de leur village.

Avec l’arrivée des usines, on a cessé de les appeler serfs. On disait ouvriers, mais c’était encore la même chose. Leurs enfants, parfois enchaînés aux machines y peinaient toute la journée, 7 jours sur 7.

Deux mauvaises actions n’en créent pas une bonne, ni trois mauvaises actions, ni quatre, ni mille ; mais quand un Africain vient me regarder sous le nez, et me serine pour la énième fois : « Mes ancêtres ont été envoyés en esclavage », je peux le regarder dans les yeux et lui répondre en toute honnêteté : « Les miens aussi ».

samedi 25 janvier 2020

Paolo et Francesca


 
Ces amoureux passionnés se retrouvent dans l’enfer de Dante. Pourquoi ont-ils été punis ? Pour leurs pratiques charnelles ? Je ne crois pas. C’était juste une excuse.

À l’exception du Bouddhisme, les religions croient (ou voudraient nous faire croire) aux conséquences physiques de la parole. « Au commencement était le verbe… ». On peut certes affecter psychologiquement les êtres humains par la parole : les compliments encouragent ; les critiques découragent. Mais on ne peut pas changer les choses ou les évènements par des paroles. Lors d’une sécheresse, ce ne sont ni les prières des Chrétiens ni les danses des Sioux qui feront venir la pluie. Le pouvoir de la parole sur la réalité physique du monde est inexistant. C’est un vœu pieux.

Cette impuissance entraîne un certain niveau de frustration, surtout chez ceux d’entre nous qui sont (ou se disent) nos guides et nos chefs. Ce n’est pas nouveau : frustré, Xerxès, en 480 avait fait fouetter la mer pour la « punir » d’avoir détruit son pont flottant ! Pour les chefs religieux, ce sentiment d’impuissance mène tout droit à la folie et à la tyrannie.

Paolo et Francesca sont mariés, mais pas l’un à l’autre. Or, qu’est-ce que le mariage ? C’est la parole. Certes, c’est la parole donnée, une promesse, mais c’est seulement in fine une cérémonie abstraite. Tout conspire d’ailleurs à la rendre concrète : rites religieux, musique, habillement spécifique, banquet, bal et dépenses somptuaires.

En fin de compte, rien n’y fait : le nombre de divorces est aussi fréquent que le nombre de séparations entre couples non-mariés. On reste ensemble par respect, par amour ou par nécessité, mais non pour des paroles. Par ailleurs, rien n’oblige à l’exclusivité sexuelle, et les deux partenaires peuvent très bien être d’accord sur ce point. « Saviez-vous que vos parents pratiquaient l’échangisme ? » avais-je demandé à deux étudiantes qui abordaient le sujet. « Oui » répondirent-elles, « mais on savait aussi qu’ils s’aimaient et qu’ils nous aimaient. » Même pour le puritanisme américain de la ‘Bible Belt’ l’infidélité conjugale n’est pas un délit.

Paolo et Francesca sont en enfer pour avoir enfreint un tabou, c’est-à-dire un diktat, une condamnation orale. Leur crime n’était pas d’avoir couché ensemble : c’était d’avoir défié le pouvoir en place. Trop souvent, les moralistes sont obnubilés par la forme, et demeurent aveugles quant au fond.