mardi 26 juillet 2016

Bestial

Commentaire d'un lecteur du Morbihan à la lecture de Bestial.


Ce livre m’a saisi aux tripes parce qu’il évoque d’une façon familière des événements que j’ai vécus.
Votre manière d’évoquer la libération colle exactement avec le souvenir que j’en ai.
Votre aviateur rend à la perfection l’atmosphère qui régnait dans les oflags, si différents des stalags, pour la simple raison que les allemands avaient plus de considération pour les officiers que pour la troupe, à condition qu’ils se soient bien battus.
Vos hyènes viennent meubler à propos une histoire haute en couleur.
Dieu sait que cette époque était loin d’être terne ! Ceci étant vous profitez de l’occasion, pour nous éclairer sur les habitudes de l’époque. Notamment les funérailles civiles réservées aux suicidés. 
J’ai bien aimé l’opposition toute relative entre Athalie et la sauvageonne, de même que le portrait que vous faites et de Mme douairière et de la nounou.
Les pintes d’érotisme qui parsèment votre livre m’ont bien fait rire, car elles m’ont remis en mémoire les commentaires choqués et parfois indignés de certains… allant jusqu’à vous taxer de pornographie. Laissons les pisse-froid à leurs illusions.
J’ai eu, ainsi que vous pouvez le constater, de multiples raisons d’apprécier cet ouvrage. 


 

dimanche 24 juillet 2016

Commentaire de lecture



L’enfant métisse de Françoise Dubost-Luciani
Editions Amalthée

Un soupçon de La Bruyère, une miette de Mme de Sévigné, deux grammes de Voltaire, une cuillerée de Pagnol, un rien de Bill Bryson, une trace de Gerald Durrell, une graine d’Alphonse Allais, puis 90% de Françoise Dubost-Luciani, et L’Enfant métisse devient un petit chef d’œuvre.
L’ouvrage est divisé, non pas en chapitres, mais en vignettes de deux à trois pages chacune. On les aborde comme on le ferait avec des poèmes : une vignette à la fois. On résiste même à la tentation d’en lire plusieurs, afin de mieux savourer celle que l’on vient de terminer.
Il s’agit, en fait, d’une autobiographie d’enfance durant les années de guerre. Les portraits et les descriptions sont tellement clairs et prenants que j’ai eu l’impression de regarder un écran en haute définition. Au pensionnat, les conditions d’hygiène font frémir, et comme l’indique Françoise, vaudraient maintenant, à la directrice une condamnation au tribunal, la fermeture de son établissement et sans doute la prison.
Il y a beaucoup d’ironie, et même d’ironie cinglante dans ce texte, mais jamais de haine. Remarquable, émouvant… inoubliable !


Book Review

Alice LaPlante : Coming of age at the end of days.
Holy cow !

What’s more interesting than a teenage girl ? An intelligent teenage girl ; and even more so : an intelligent teenage girl growing among religious nuts.
Anna comes from an ordinary family, if it can be said that there is such a thing as a normal family. Father is an earthquake scientist. Mother is just there, playing the piano a lot. They are both quite nice, but not very affectionate. Anna misses their concern for her problems. She also misses their affection, but doesn’t even know she does. What Anna’s parents never realized was that their beloved Anna happened to be an exceptional girl, thirsting for an exceptional destiny : an ideal prey for religious fanatics and sect members.
Then Anna’s parents die in an automobile accident.
Like so many other nutcase religions, the one that snares Anna believes that the end is nigh. But first, they must rebuild the Jerusalem temple. But before that even, they must breed a pure red heifer who will announce the coming of the Messiah. Would you like me to explain ? Not a chance !
Just as the novel is threatening to go round and round, analyzing Anna’s feelings and those of her new friends (not all of them mentally deranged), the story becomes a lively and refreshing road movie.
The final twist is also the novel’s main weakness : a deus ex machina intervention hiding a powerful symbol : an earthquake that flattens the sect’s headquarters, as if Daddy, the earthquake scientist, had intervened from beyond the grave to save his little girl.
Anna will pull through in the end, and find what we call ordinary happiness : i.e. a husband and a job.
In spite of these reservations, I just loved that story, especially as it is sensitive, poetic in parts, and extremely well written.

mardi 5 juillet 2016

Franglais





Les langues évoluent pour la simple raison que tout évolue, tout est fluide. Toutefois, cette simple constatation ne doit pas nous inciter à faire en sorte que cette évolution s’accélère. En effet, plus une langue est stable, plus son impact culturel est puissant.
Faute d’avoir fait des études spécifiques – l’École des Chartes, par exemple - Nous ne comprenons plus le français médiéval. Cependant, lorsqu’il est adapté (plutôt que traduit) par des érudits tels que Maurice Rat, nous en saisissons tout l’intérêt et toute la beauté. Parmi les écrivains du Moyen-âge, il en est qui instinctivement, mais certainement aussi avec un énorme talent, ont su choisir les mots qui ne vieilliraient pas, ou très peu. 

Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés ?
Ils ont été trop clairsemés.
Je crois le vent les a ôtés.
L’amour est morte.
Ce sont amis que vent emporte
Et il venta devant ma porte.
Les emporta…

Seul l’orthographe a été modernisé : les mots eux-mêmes, n’ont pas été changés, encore moins « traduits ».

Si Ruteboeuf s’était laissé aller à choisir des mots « à la mode », nous ne comprendrions plus rien, et notre héritage culturel n’en serait que plus pauvre.

Que le français ait, au cours des siècles, et comme toutes les autres langues, intégré des mots venus de l’extérieur, rien de plus normal. Nous y trouvons de l’allemand : blockhaus, ersatz.  
Du néerlandais : huître, brandy.
De l’italien : pergola, piano, soprano.
De l’arabe : algèbre, alchimie.
Du russe : mazout, clacksons.
Du turc : bazar, assassin.
Et bien d’autres.

Puis, il y a l’anglais. Il suffit d’ouvrir une revue (et non pas un magazine) comme Elle ou Marie-Claire pour y trouver un anglicisme par ligne. L’une d’elles, Challenge, a carrément opté pour un titre en anglais. Les journaux télévisés ne font pas mieux ; la publicité non plus. Les supermarchés ont des drive, les grand couturiers ont la Fashion week, et les Renault ont la French touch.

Style, conception, aspect, création = design.
Augmenter, encourager, développer = booster
Vedette de cinéma = star
On pourrait citer des centaines d’exemples de ce genre.

Que s’est-il passé ? Peut-on analyser la mentalité de tout un pays comme nous pourrions analyser la personnalité d’un seul être humain ? Y a-t-il une sorte de corps mystique français qui, à l’instar des moutons de Panurge, pousserait toute une nation à se précipiter vers le suicide culturel ?
« Les Français sont des veaux » disait de Gaulle. Les grands pontes de notre soi-disant Éducation Nationale en sont parfaitement conscients, et bien décidés à éradiquer tout ce qui, de près ou de loin, conduirait les élèves du secondaire à s’identifier à la France et au français. Moins on a de racines, plus on est influençable.
Dans un premier temps, on accepte le franglais.
Dans un deuxième temps, on l’emploie systématiquement pour faire « bien », pour avoir l’air « dans le vent ». Mais quel vent ? Celui d’une civilisation que l’on en vient à considérer comme nettement supérieure à la nôtre ?
Dans un troisième temps, on a honte d’être Français, et on a honte de l’héritage culturel de la France. Inconsciemment, nous nous sommes rangés parmi les citoyens de seconde zone. Nous nous sommes réfugiés dans une sorte de dhimmitude intellectuelle par rapport au monde anglophone.
Prenons plutôt exemple sur le Québec, plus conscient du danger, et pourfendons les franglophiles et franglophones. 
A l'opposé, ne blâmons pas les Anglais et les Américains pour ce qui nous arrive. Ce ne sont pas eux qui nous forcent à parler franglais : notre déchéance culturelle n'est due qu'à nous-mêmes.