samedi 4 août 2018

L'arrogance des nuls


Il y a quelques années, je suis allé voir Iphigénie en Aulide de Glück au théâtre Graslin, à Nantes. Très bonnes interprétations musicales et vocales, mais désastreuse mise en scène. “On” avait transposé l’histoire à l’époque de la guerre de Bosnie au début des années 90. “On” avait également entrecoupé l’opéra de textes lourdement (très lourdement) bobo gauchistes.

Puis, à New York, je suis allé voir une représentation des Noces de Figaro. Là encore, rien à dire sur la qualité de la musique et des voix, mais… “on” avait transposé l’histoire dans un appartement de Park Avenue à notre époque.

Ce soir, j’ai voulu regarder La Flûte enchantée sur Arte. J’ai duré 5 minutes. “On” avait transposé l’intrigue en 1913. Pourquoi pas 1893 ou 1923 ? “On” avait également ajouté un narrateur. Cela se passait quand même en Autriche…

Pourquoi les esprits étriqués de certains metteurs en scène se croient-ils obligés d’améliorer l’œuvre originale ? Pourquoi les laisse-t-on faire ?

Ingmar Bergman, l’un des plus grands metteurs en scène de tous les temps, n’a pas eu cette arrogance lorsqu’il a filmé La Flûte enchantée. Il ne sentait pas obligé d’améliorer Mozart. Son film est un chef d’œuvre. Il n’a pas eu non plus ce mépris pour le public, mépris qui consiste à vouloir expliquer ce qui se passe aux demeurés que nous sommes ; ni à rendre l’intrigue plus abordable pour des péquenots comme nous.

Mouches du coche, laissez le talent s’épanouir comme l’avaient désiré les auteurs et compositeurs. L’une des qualités majeures d’un chef d’œuvre, c’est son universalité. J’ai vu Le Bourgeois Gentilhomme joué au Bénin en costumes français du XVII° siècle. Les spectateurs, tous noirs et Béninois, étaient enthousiastes. Eux aussi connaissaient des petits arrivistes pompeux dans LEUR société. Pas besoin de changer les époques, le cadre ou les costumes. C’est cela, la magie de l’universalité des grandes œuvres. Nul besoin de petits coqs prétentieux pour nous « aider » à comprendre ce qui se passe.