mercredi 30 mars 2016

Contrastes



On entend souvent parler ces temps-ci de ce fameux « sondage du bonheur » selon les nationalités. Le Danemark arrive en tête. La France est loin derrière.
On savait déjà que les Français sont les plus grands consommateurs d’anxiolytiques au monde.
Pourquoi ?
Une chose dont on peut être certain, c’est qu’il n’y a pas qu’une seule raison mais tout un faisceau de raisons. Voici celles qui, en tant qu’observateur semi- étranger me viennent à l’esprit pêle-mêle.
- Une administration démentielle. Ah, s’il n’y avait qu’un seul mammouth à dégraisser ! Il y en a tout un troupeau. C’est un fardeau que chacun porte sur ses épaules.
- Une justice chaotique qui passe d’un excès à l’autre, et sur laquelle on ne peut plus compter.
D’un côté, on s’acharne sur les innocents d’Outreau mais aussi sur un commerçant qui, cambriolé pour la septième fois, se voit condamné à plusieurs années de prison pour avoir tué un cambrioleur (sans parler de la perte de son commerce).
D’un autre côté, les pires meurtriers et tortionnaires ne sont condamnés qu’à une moquerie de perpétuité, c’est à dire vingt ans, c’est à dire dix ans après bonne conduite.
- Un effondrement des méthodes d’apprentissage de la lecture. Les jeunes n’aiment pas lire. Aimeriez-vous lire si vous étiez passé par la méthode globale, et si vous ne pouviez pas voir la différence entre « imbibé », « imbriqué » et « impliqué » ? (sans parler d’en connaître la signification). Or un semi illettré vivant dans une société complexe se sentira perdu et rejeté, donc malheureux.
         Nous connaissons toutes ces raisons depuis longtemps mais il y en a une autre, beaucoup plus grave peut-être : dans des buts purement politiques, on serine aux Français qu’ils ne sont pas heureux ; que si, par exemple, on passe des horaires d’été aux horaires d’hiver, il faut absolument que la SNCF et la RATP se mettent en grève. Les pauvres ! Allez dire cela aux petits artisans et commerçants qui abattent des journées de 12 ou 14 heures.
Il faut aussi, naturellement, « descendre dans la rue » à la moindre décision du gouvernement. Les ministres et le président, c’est bien connu, ne sont que des monstres qui se réunissent avec des ricanements sinistres pour décider de ce qui vous rendra encore plus malheureux.
         Par contraste, un autre sondage –  américain celui-là – découvre que la France est le pays au monde où la qualité de vie est la plus élevée. Critères : qualité de la nourriture, très bas niveau de pollution (comparativement), protection de l’environnement, santé, beauté du cadre, climat et pouvoir d’achat (eh oui !).
         Nous avons d’un côté des avaleurs de Prozac en quantités industrielles, et de l’autre une qualité de vie exceptionnelle. Comment résoudre cette dichotomie ? 

Le pire et le meilleur



La meilleure des choses et la pire des choses disait Ésope en parlant de la langue.
Les Britanniques lisent beaucoup plus les journaux que les Français. Le plus fort tirage de presse, en France, est de l’ordre de 500 000 exemplaires. En Grande Bretagne, c’est 5 millions. On pense au Times, bien sûr, mais aussi au Daily Telegragh (meilleur que le Times, à mon avis) et même The Guardian (bien que ce dernier soit limite, limite...)
Il y a une autre presse. Il s’agit de la presse populaire, les tabloïds, comme on dit.
J’ai longtemps éprouvé vis à vis de cette presse un sentiment de répulsion. Son arrogance, son racisme, ses insultes, sa recherche du sensationnel, son intrusion dans la vie privée de tous ceux qui créent l’événement (et pas seulement des gens célèbres), tout cela me déplaisait profondément et me déplaît encore. Il y a, dans cette presse, une hiérarchie du mal et du ridicule. Cela va du Daily Mail, qui arrive à garder une certaine dignité et une certaine éthique, au Sun et au Mirror où se déchaînent les plus bas instincts de la presse populiste.
Et pourtant… et pourtant. Cette presse se fait souvent la championne des causes perdues, surtout pour les gens « sans importance », c’est à dire, en langage clair, sans argent. Une facture d’électricité totalement farfelue, se chiffrant en milliers de £ et ne correspondant en rien à la véritable consommation d’un abonné, mais pour laquelle la compagnie d’électricité refuse de transiger ; une enquête policière bâclée ; un collège ou les « grands » persécutent les petits sans que le proviseur s’en préoccupe ; une compagnie d’assurance qui refuse de payer pour des motifs oiseux…
Quand « l’homme de la rue » comme on dit (qui doit quand même bien rentrer chez lui de temps en temps) est victime d’une injustice flagrante de la part d’une administration ou d’une compagnie privée, il se tourne vers la presse populaire qui, après enquête, expose les fautifs sans prendre de gants. Ça ne marche pas toujours mais ça marche très souvent ; assez souvent pour que la menace : “je vais en parler à la presse” soit efficace dans la plupart des cas.
La pire et la meilleure des choses…

mardi 29 mars 2016

Irresponsables



Être irresponsable, c’est ne pas voir ou ne pas vouloir considérer les conséquences de ses actes. Des recherches scientifiques récentes sur le sujet, indiquent – notamment grâce à l’IRM – que tout n’est pas dit à sept ans comme le clamait Piaget. Le cerveau continue à évoluer jusqu’à l’âge de 25 ans. Après aussi, mais beaucoup plus lentement.
“Mais tout le monde sait cela.” Me disait récemment une enseignante. “Pas besoin de scientifiques pour nous le dire.” Certes mais la science a l’utilité d’analyser ce que « tout le monde sait », de l’étayer et de faire entrevoir des solutions.
C’est ainsi que l’on comprend mieux maintenant pourquoi tant d’ados se sentent mous et paresseux : leur cerveau possède alors davantage de cellules qu’à n’importe quelle autre période de leur vie mais moins de synapses. Les synapses, qui sont les « ponts » entre les cellules, sont les instruments de notre logique et de la faculté consistant à comprendre les conséquences de nos actes.
Au fur et à mesure de l’accroissement du nombre de synapses, une « logique des conséquences » commence à se former.
Ne voir que les avantages ou les désavantages immédiats d’une action est un lourd handicap pour les ados. C’est le moment où beaucoup gâchent leur vie à jamais. Nous avons tous rencontré des adultes très intelligents mais qui, déraillés par une adolescence irresponsable, sont devenus des ratés, des perdants.
 D’où l’importance pour les ados d’écouter les adultes qui ont subi les conséquences néfastes de leurs propres erreurs, et s’en mordent les doigts, et de faire confiance à ceux qui ont récolté les fruits d’un comportement lucide et responsable. D’où aussi, pour les adultes, la nécessité de faire en sorte que les jeunes leur fassent confiance, et songent à les imiter.
Naturellement, il  s’agit là d’une analyse scientifique MOYENNE. Nous savons bien qu’il y a de jeunes ados, et même des enfants, qui possèdent déjà un sens très aigu des responsabilités. Nous savons aussi, hélas, qu’un nombre considérable d’adultes (que les sociologues estiment à un effrayant 20%) n’acquièrent jamais le sens des responsabilités.
Une chose qui me révolte, c’est l’exploitation de ces irresponsables par certaines grandes entreprises : crédit à 2% pendant six mois (et 22% après), abonnement à la télé par satellite gratuit pendant 3 mois (et à 50€ après), rien à payer avant l’année prochaine (puis une facture astronomique)… Filets aux alouettes qui capturent chaque fois des milliers de victimes.
Les irresponsables sont déjà très malheureux. Le monde leur est hostile. Ils sont eux-mêmes leurs pires ennemis. Ils ne comprennent pas pourquoi rien ne marche comme ils le voudraient, pourquoi les voisins se plaignent de leur comportement, pourquoi l’ignoble patron se fâche s’ils arrivent en retard au boulot, pourquoi la voiture qu’ils n’ont pas entretenue tombe en panne etc. Mais ce sont des êtres humains : doit-on, en plus, mettre cyniquement sur pied des institutions qui les exploitent ?