mercredi 4 mai 2016

La Visite de la Fanfare



 « La Visite de la Fanfare » du réalisateur : Eran Kolirin

L'orchestre de la police d'Alexandrie, après quelques erreurs de billetterie et de navigation, se retrouve par accident dans une petite ville israélienne. Cette fanfare de 14 musiciens habillés impeccablement d'uniformes bleu pâle est dirigée par un colonel. Les sentiments des autres musiciens vis-à-vis de leur chef d'orchestre sont mitigés mais jamais hostiles.

Des Égyptiens en Israël ! Allons-nous assister à un conflit, à des injures ou des brimades ? Les représentants des deux nationalités se regardent en chiens de faïence puis s'apprivoisent peu à peu. Il n'y a qu'un bus par jour. Pour retourner en Égypte, l'orchestre devra passer la nuit en Israël. Les villageois leur offrent l'hospitalité.
Il faut préciser que leur village n'a rien de charmant ou de pittoresque : il n'est fait que de cubes de ciment posés en plein désert.
Et c'est là que commence la véritable magie de ce film. Tout, dans ce cadre dénudé, évoque la solitude.
Les extérieurs ? Une autoroute déserte sur laquelle virevolte le sable, autoroute éclairée la nuit par deux rangées de réverbères graciles et blafards. Une cabine téléphonique isolée sur un parking sans voitures, et toujours ces cubes d'habitation jaunâtres qui forment le « village ».
Les intérieurs ? Des salles nues aux murs nus, ou presque. Seule décoration : des petites niaiseries pendues au plafond, et rappelant les « mobiles » des années 50. Des tables et des chaises tubulaires, des surfaces en formica ; une salle de bal aux murs également nus où, sur une maigre musique d'accordéon, se dandinent seulement un ou deux couples.

A cette solitude géographique répond la solitude des âmes :
       Celle du jeune homme qui passe ses nuits près de la cabine téléphonique dans l'espoir que sa petite amie l'appellera. Ce soir-là, miracle, elle l'appelle.
       Celle de la jeune tenancière du misérable petit restaurant perdu au milieu de nulle part, et qui passe la nuit avec le plus jeune et le plus beau des musiciens.
       Celle du chef d'orchestre au beau visage grave qui n'arrive pas à se remettre de la mort de sa femme, puis de celle de son fils. Ce fils, avec qui, dit-il, il a été trop dur, et qui s'est suicidé.
       Celle de la jeune femme au visage et au corps très ordinaire, et qui se désole de ne jamais trouver l'amour.
       Celle du garçon un peu simple et maladivement timide qui se dit, lui aussi, qu'il ne connaîtra jamais l'amour. C'est un Égyptien qui arrivera à réunir ces deux âmes à la dérive.

La beauté de ces images minimalistes est à la fois envoûtante et angoissante. On éprouve la même tension que dans un film au suspense insoutenable. Le message est obsédant : par nous-mêmes ou avec les autres, nous sommes seuls... Nos souhaits, nos projets se réalisent ou tombent à l'eau complètement au hasard.
Au moment du départ des Égyptiens, rien n'est dit ou presque. Toute la tragédie de la situation se réfugie dans les regards de ces gens que tout sépare en principe, mais qui aimeraient tant se revoir, tout en sachant qu'ils ne se reverront jamais.

« La Visite de la Fanfare » fait partie de ma liste des 100 plus grands films.

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