lundi 29 février 2016

Adolescence



Le drame de l'adolescence, c'est le délai de maturité sociale imposé par la complexité de la vie moderne. L'homme normal, l'homme sauvage était adulte à 15 ans, faisait des enfants entre 15 et 20, perdait toutes ses dents à 25, devenait malade ou se cassait quelque chose à 30 et mourait à 35. On pense souvent que le fait, pour Jeanne d'Arc, d'avoir été chef de guerre représente une exception. L'exception, c'est qu'elle était femme. Autrement, la plupart des officiers de cette époque étaient des ados. La plupart des soldats aussi, un peu comme, de nos jours, dans les guerres africaines.

D'ailleurs, en Afrique animiste, l'adolescence n'existe pas. Par le truchement des cérémonies d'initiation, on passe brutalement du monde des enfants à celui des adultes. Initiation en moins, c'était, il y a deux cents ans, la même chose chez nous. Une survivance, peut-être : la cérémonie de la Confirmation par l’église catholique. En littérature, on dit que c'est André Gide qui a "inventé" le concept d'adolescence.

Allongement de l'espérance de vie et de l'éducation publique obligatoire, amélioration des soins médicaux, accroissement de la complexité mécanique, financière et logistique de la vie moderne, tout cela prolonge artificiellement l'enfance mais biologiquement parlant, c'est à dire tout au fond de soi, et dans la seule optique de la survie de l’espèce, on est adulte dès qu'on a du poil au cul. Les jeunes sont ainsi écartelés entre d'une part leurs pulsions à la fois primitives et "normales" et, d'autre part, les contraintes de la vie moderne.

Pendant ma carrière de prof, il m'est arrivé (pas à chaque fois, bien entendu) de calmer et de rassurer des ados en leur expliquant cela et en leur disant que leur souffrance et leur frustration étaient logiques et normales dans les circonstances présentes. Je les mettais ensuite au défit de traverser cette épreuve. De toute façon, quand on comprend la nature de l'épreuve, on est mieux armé pour la traverser.

Je précisais que, il y a de cela quelques siècles, on aurait effectivement pu leur confier de lourdes responsabilités militaires, financières ou administratives mais que, dans 99% des cas, ils eussent été traités comme des bêtes de somme. Chefs ou serfs, ils auraient eu au moins la certitude de faire partie de la société, une société qu’ils auraient vu comme immuable alors que la nôtre est en évolution constante. Les ados sont-ils mieux lotis maintenant ? Difficile de ne pas répondre « oui ».

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