lundi 30 novembre 2015

Faux bons et faux méchants



J’ai revu Brigitte hier soir, une ancienne collègue de travail. Elle a quatre-vingts ans, et bien qu’encore debout et capable de se débrouiller toute seule dans son appartement, elle est en train de mourir doucement à la fois de diabète et d’insuffisance rénale. Elle a déjà fait savoir à l’hôpital qu’elle refuserait les dialyses. Elle n’acceptera que les antalgiques. Elle veut mourir avec dignité et en possession de tous ses moyens. Elle n’a jamais été jolie mais son visage est maintenant empreint d’une véritable noblesse. Elle a deux fils, et le contraste entre les deux m’a toujours fasciné. 

Victor enseigne dans un établissement pour enfants physiquement et mentalement handicapés. Il « se donne » beaucoup, et le crie sur les toits. Il a épousé une jeune femme très intense, très dévouée, très politiquement à gauche et toujours en train de se plaindre de ceci ou de cela. Ne pouvant avoir d’enfants, ils en ont adopté deux : handicapés mentaux, naturellement. Leur vie est un modèle de dévouement mais ils sont pleins d’amertume, et Victor, par des moyens détournés et une bonne dose de chantage psychologique, ne perd jamais une occasion de soutirer de l’argent à sa mère. Brigitte voit arriver Victor avec appréhension car même lorsqu’il n’a pas besoin d’argent, il lui casse la tête avec ses jérémiades.

Arsène, par contraste, a longtemps été homosexuel. Il avait un bon travail dans un bureau et se rendait régulièrement en Thaïlande. Au début, c’était pour se taper des ados, puis par hasard, il est tombé amoureux… d’une femme ! Il a donc viré sa cuti dans le sens homo/hétéro. Il est maintenant marié, et vit en Thaïlande, mais revient souvent rendre visite à sa mère en France. Sa femme est financièrement à l’aise ; lui-même a un bon salaire. Résultat, il aide Brigitte quand elle en a besoin : une nouvelle cuisine, des réparations de voiture etc. Brigitte voit arriver Arsène avec plaisir car même s’il est vrai qu’il vient parfois pour l’aider financièrement, il vient surtout pour lui apporter son soutien psychologique et son affection. 

Victor et Arsène me rappellent irrésistiblement l’épisode de Marie-Marguerite et Marie-Madeleine dans l’Évangile, ainsi que la parabole du Pharisien et du Publicain, sans oublier la fable de La Fontaine : Le Songe d’un Habitant du Mogol.

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