jeudi 1 octobre 2015

Destins




Jérôme est sorti une fois avec Nadine. C’était la jeune femme la plus élégante, la plus parfaite qu’il ait jamais connue. C’était une Grace Kelly de vingt ans. Perfection corporelle, perfection du visage, perfection de l’habillement, parfum discret. Elle a épousé Arthur, et maintenant elle voyage dans le monde entier pour le compte du gouvernement canadien. Elle est devenue experte en relations publiques et en informatique.
Si elle avait épousé Jérôme, elle serait restée la petite femme d’un petit prof. Si elle avait épousé l’un des nombreux garçons à l’intellect plutôt limité qui tournaient autour d’elle au lycée, elle aurait pu se transformer en bonne ménagère, femme-au-foyer modèle. 


Le sort d’Iñes

Sur les conseils d’un docteur complètement débile, Olive a donné du Complan à Iñes quand cette dernière était bébé. Elle n’en avait aucun besoin. Les amis de la famille avaient des doutes, sachant que les gros bébés font les gros adultes mais on est trop souvent l’esclave du respect exagéré que l’on porte aux docteurs. Personne n’a parlé. Les aurait-on cru, d’ailleurs ?  Iñes restera grosse : c’est ancré en elle.
Puis on l’a vue jouant entre les maisons, dans des courants d’air glacés. Elle avait sur elle plusieurs épaisseurs de vêtements… tous ouverts à la gorge et sur le devant de la poitrine. Pas d’écharpe. Elle a donc fait bronchite sur bronchite pendant  sa scolarité. Maintenant, elle en attrape encore avec une facilité surprenante. Dernière de quatre enfants, Olive ne s’était jamais occupée d’un bébé et, agissant par instinct, elle ne réfléchissait pas.
Iñes a rencontré Aymé. Intelligent mais rejeté par sa mère, il était devenu, un invalide de l’amour, un égoïste naturel, pas méchant mais sans aucune fibre de compassion. Aymé était diabétique, et chaque fois qu’il grignotait quelque chose, Iñes grignotait aussi. De grosse elle est devenue énorme, légèrement diabétique également, tout son métabolisme déséquilibré.
C’est ainsi que les Grecs voyaient les dieux : jouant avec les hommes sur l’échiquier de leur ennui. D’autres parlent de Ka ou de Karma, d’autres, plus orgueilleux, plus égocentriques, s’imaginent qu’Allah prend le temps de régler tous les détails de leurs misérables petites vies. C’est fort pratique lorsqu’il s’agit de faire du mal autres : si ça marche, c’est qu’Allah le voulait ainsi. 

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