mercredi 7 octobre 2015

Compagnons du Devoir



Nous tombons souvent dans le piège (je n’en suis pas exempt) qui consiste à croire que la civilisation est uniquement le résultat de fonctions intellectuelles : littérature, musique, philosophie, recherche scientifique etc.
 Je suis allé voir avec Julie l’école et l’exposition permanente (mais toujours changeante) des Compagnons du Devoir, une organisation qui s’occupe de repérer et encourager par tous les moyens les surdoués du travail manuel. Dans le monde paresseux, égoïste et sans pitié qui est le nôtre (surtout dans des endroits comme Marseille) ces jeunes gens, et quelques jeunes filles, sont sympathiques, travailleurs et enthousiastes. Pour obtenir leur diplôme de CdD, ils doivent, en fin d’étude, produire un chef-d’œuvre. On touche alors du doigt et du cœur la continuité quasi mystique entre les grands artistes du passé comme Praxitèle, Fabergé ou Stradivarius et leurs descendants.
Ce sont fréquemment des anciens du CdD qui gagnent, tous les ans, la récompense du Meilleur ouvrier de France dans leurs spécialités respectives. Ils trouvent du travail chez les plus grands architectes, les carrossiers tels que Pininfarina, les constructeurs de voiliers de course ou de luxe comme Bénéteau, les restaurateurs de monuments historiques etc… On s’aperçoit alors que ces ouvriers, et leurs homologues dans les autres pays, sont au cœur même de ce que nous appelons la Civilisation.

Curieusement, c’est un peu la même chose que j’ai ressenti en écoutant le Requiem joué selon les instructions précises de Berlioz, avec deux petits orchestres de cuivres, placés comme des satellites, au fond de la salle. Dans les deux cas il s’agit d’un effort artistique, c’est à dire du dépassement de la condition humaine. Dans les deux cas, on sent une angoisse, un défi : nous valons mieux que ce corps qui se détériore de jour en jour, finira dans la déchéance et la souffrance puis disparaîtra. L’Art est un cri de rage et de révolte. C’est ce qu’il y a de plus important au monde car, sans lui, que vaudrait la simple survie ? Les barbares le savent bien, qui voient en l’Art une gifle, un reproche constant à leur intrinsèque ineptie, et c’est pour cela que, comme à Palmyre, ils n’ont qu’une obsession : détruire, détruire, détruire… C’est tellement plus facile que de construire !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire