jeudi 26 janvier 2017

Vous avez dit bizarre... ?



Robert me parle de sa femme Paula. Ils sont mariés depuis longtemps, s’entendent bien, et ne donnent pas l’impression qu’ils se sépareront. Ce que Robert me dit n’est pas une critique de son épouse : c’est simplement un besoin de comprendre.

“Paula est assez bordélique. Elle a tendance à laisser les choses à l’endroit où elle s’en est servi en dernier. Clefs de voiture, lunettes, stylos, montre, permis de conduire, téléphone portable lui occasionnent beaucoup de soucis et lui font perdre beaucoup de temps. Ça ne m’embête pas, car je suis moi-même un peu bordélique ; pas autant qu’elle, mais assez pour n’avoir pas le droit de critiquer. Ce qui m’étonne, c’est que malgré ce côté brouillon, Paula range toujours soigneusement les emballages vides. Dans les placards, je retrouve des pochettes de mouchoirs en papier sans mouchoirs. Dans le frigidaire, des boîtes de yaourts sans yaourts. ‘Mais voyons’ dirait son avocat de la défense, ‘elle aura simplement soutiré des mouchoirs et des yaourts et en aura laissé l’emballage.’ Eh bien non : alors qu’elle ne remet pratiquement rien en place, je ne compte plus les fois où je l’ai vue remettre soigneusement une boîte ou un emballage vide dans un placard. Je n’ai jamais mentionné cela, bien entendu. Je ne vais pas risquer une dispute pour quelque chose qui n’en vaut pas la peine.”
“Mais ça t’embête.”
“Je vais te dire ce qui m’embête. Voilà une femme intelligente. Elle est membre de MENSA. Elle a dirigé avec bonheur un bureau de 15 secrétaires, et elle n’a pas son pareil pour gérer un budget ou organiser des vacances. C’est essentiellement un être rationnel qui, dans un domaine bien précis, se comporte de façon non seulement irrationnelle, mais contraire au côté bordélique sa nature, tout au moins dans le domaine familial. Et maintenant, je vais te dire ce qui m’embête vraiment : si quelqu’un d’aussi intelligent que Paula peut aller remettre délicatement un paquet de gâteaux secs vide dans un placard alors que s’il n’avait été qu’à moitié vide elle l’aurait laissé traîner, de quelles aberrations suis-je moi-même coupable sans le savoir ?”
“Je n’ai pas la réponse, mon cher Robert. Je pense seulement que chacun de nous possède un côté bizarroïde, la plupart du temps inoffensif, dû au mauvais fonctionnement d’un minuscule aspect de cette extraordinaire machine génétique que nous sommes. Une incitation à la tolérance envers notre entourage.”  
  

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