mardi 5 juillet 2016

Franglais





Les langues évoluent pour la simple raison que tout évolue, tout est fluide. Toutefois, cette simple constatation ne doit pas nous inciter à faire en sorte que cette évolution s’accélère. En effet, plus une langue est stable, plus son impact culturel est puissant.
Faute d’avoir fait des études spécifiques – l’École des Chartes, par exemple - Nous ne comprenons plus le français médiéval. Cependant, lorsqu’il est adapté (plutôt que traduit) par des érudits tels que Maurice Rat, nous en saisissons tout l’intérêt et toute la beauté. Parmi les écrivains du Moyen-âge, il en est qui instinctivement, mais certainement aussi avec un énorme talent, ont su choisir les mots qui ne vieilliraient pas, ou très peu. 

Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés ?
Ils ont été trop clairsemés.
Je crois le vent les a ôtés.
L’amour est morte.
Ce sont amis que vent emporte
Et il venta devant ma porte.
Les emporta…

Seul l’orthographe a été modernisé : les mots eux-mêmes, n’ont pas été changés, encore moins « traduits ».

Si Ruteboeuf s’était laissé aller à choisir des mots « à la mode », nous ne comprendrions plus rien, et notre héritage culturel n’en serait que plus pauvre.

Que le français ait, au cours des siècles, et comme toutes les autres langues, intégré des mots venus de l’extérieur, rien de plus normal. Nous y trouvons de l’allemand : blockhaus, ersatz.  
Du néerlandais : huître, brandy.
De l’italien : pergola, piano, soprano.
De l’arabe : algèbre, alchimie.
Du russe : mazout, clacksons.
Du turc : bazar, assassin.
Et bien d’autres.

Puis, il y a l’anglais. Il suffit d’ouvrir une revue (et non pas un magazine) comme Elle ou Marie-Claire pour y trouver un anglicisme par ligne. L’une d’elles, Challenge, a carrément opté pour un titre en anglais. Les journaux télévisés ne font pas mieux ; la publicité non plus. Les supermarchés ont des drive, les grand couturiers ont la Fashion week, et les Renault ont la French touch.

Style, conception, aspect, création = design.
Augmenter, encourager, développer = booster
Vedette de cinéma = star
On pourrait citer des centaines d’exemples de ce genre.

Que s’est-il passé ? Peut-on analyser la mentalité de tout un pays comme nous pourrions analyser la personnalité d’un seul être humain ? Y a-t-il une sorte de corps mystique français qui, à l’instar des moutons de Panurge, pousserait toute une nation à se précipiter vers le suicide culturel ?
« Les Français sont des veaux » disait de Gaulle. Les grands pontes de notre soi-disant Éducation Nationale en sont parfaitement conscients, et bien décidés à éradiquer tout ce qui, de près ou de loin, conduirait les élèves du secondaire à s’identifier à la France et au français. Moins on a de racines, plus on est influençable.
Dans un premier temps, on accepte le franglais.
Dans un deuxième temps, on l’emploie systématiquement pour faire « bien », pour avoir l’air « dans le vent ». Mais quel vent ? Celui d’une civilisation que l’on en vient à considérer comme nettement supérieure à la nôtre ?
Dans un troisième temps, on a honte d’être Français, et on a honte de l’héritage culturel de la France. Inconsciemment, nous nous sommes rangés parmi les citoyens de seconde zone. Nous nous sommes réfugiés dans une sorte de dhimmitude intellectuelle par rapport au monde anglophone.
Prenons plutôt exemple sur le Québec, plus conscient du danger, et pourfendons les franglophiles et franglophones. 
A l'opposé, ne blâmons pas les Anglais et les Américains pour ce qui nous arrive. Ce ne sont pas eux qui nous forcent à parler franglais : notre déchéance culturelle n'est due qu'à nous-mêmes. 

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