Si
Joanne haïssait les hommes, Priscilla, une jeune prof, les aimait. Elle
« couchait » comme on dit dans les villages. Elle aimait les hommes,
mais elle les méprisait aussi, et en fin de compte, elle les haïssait. J’ai été
son collègue de travail pendant cinq ans. Au début, je savais vaguement qu’elle
changeait souvent de petit ami mais cela ne m’intéressait pas. Lors de
plusieurs voyages scolaires avec elle, nous commençâmes, par la force des
choses, à bavarder. Je me suis alors aperçu qu’elle allait draguer ses mâles
dans les bars et les boîtes de nuit. Certes, il doit exister, ici et là, des couples aimants et durables
qui se sont rencontrés de cette façon, mais dans l’ensemble, le taux de ratés, de
tordus, de violents, d’irresponsables, d’égoïstes et de demeurés est tout de
même plus élevé dans ces endroits-là que dans d’autres. Priscilla ne comprenait
pas que l’on puisse trouver l’âme sœur autrement. Le dernier en date dont elle
m’ait parlé avant que j’aille enseigner dans un autre établissement, insistait
pour lui pisser dessus. Ne faisant pas partie du nombre infinitésimal de femmes
qui aiment cela, elle s’apprêtait à le quitter. J’ai vainement essayé de la
convaincre que tous les hommes n’étaient pas des nuls. Dans l’établissement où
nous étions, force m’était pourtant de constater l’insondable indigence intellectuelle
et émotionnelle d’une écrasante majorité des garçons. On les imaginait
facilement grandissant dans le même style. « Quand on est con, c’est pour
la vie » dit le proverbe. La pauvre Priscilla passait d’une période de
déprime à celle d’un optimisme inattaquable quant aux qualités du prochain
partenaire. J’avais envie, en plaisantent (mais peut-être pas tant que cela) de
lui conseiller d’essayer les femmes mais je n’étais pas assez proche d’elle
pour cela, et ne souhaitais pas le devenir…
Il
y a des femmes qui attirent irrésistiblement les imbéciles, et sont attirées
par eux. Elles ne se rendent pas compte qu’il existe tout de même un autre
monde. C’est comme si on leur avait jeté un sort. Malgré l’aveuglement dont
elle faisait preuve, j’étais triste pour Priscilla. Elle ne méritait pas d’être
ce qu’elle était.
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