Jeune
adulte, René Descartes se désolait : il se sentait attiré par les femmes
qui louchaient. À l’époque, on disait « les femmes louches ».
Il
se désolait car il ne se sentait pas normal en ce domaine. Il est allé
jusqu’à employer le mot « perversion ».
Puis
il s’est souvenu de ses premières amours, amours enfantines comme nous en avons
tous connues. Il s’est alors rendu compte que la jeune fille en question
louchait. Il a compris d’où venait son malaise et a cessé de s’en préoccuper.
Et cela 200 ans avant Freud. Bravo !
Trois
réflexions issues de cette lecture :
La
première, c’est qu’une déformation physique devient souvent invisible à la
longue par ceux qui aiment la personne qui en est affligée.
La
seconde, c’est que l’enfance nous marque à jamais. Parce que je n’éprouve
aucune attirance physique pour les femmes rondes, on m’a lancé à la tête que
j’étais victime de la mode. Je ne m’en suis pas formalisé. Au contraire, j’ai
réfléchi afin de découvrir si c’était vrai.
C’est l’accusation suivante qui m’a soulagé : « Vous les hommes, vous
êtes tous les mêmes. Il vous faudrait des Pamela Anderson. » Là, j’ai
compris que l’accusation d’être victime de la mode était dénuée de substance.
En effet, comme Descartes, je souffre (si l’on peut dire) d’une anomalie de
goût : je n’aime pas les seins, tout au moins ceux qui sont plus gros qu'une orange. Les Pamela Anderson de ce monde me
laissent de glace. Et, comme Descartes, je suis retourné mentalement à mes
premières amours. Elle s’appelait Aria. Pour un mélomane ce nom était un
enchantement. Son torse, long, plat et souple lui donnait l’élégance et la
grâce d’un roseau sous la brise. Elle a imprimé en moi un idéal de beauté
féminine qui s’oppose aux critères généralement admis. Trois cents ans après
Descartes et cent ans après Freud, je ne m’en formalise plus.
Troisième
réflexion : tout va bien alors ? Eh bien non, pas vraiment car si
nous sommes à ce point influencés par les expériences et les émotions de notre
enfance, n’en sommes-nous pas inconsciemment les jouets ? Où est le libre
arbitre là-dedans ? Descartes, Freud, au secours !
Au
lieu de me prendre la tête, je me réfugie chez Paul Verlaine :
« Ah, les premières
fleurs, qu’elles sont parfumées
et qu’il bruit avec un
murmure charmant
le premier « oui »
qui sort de lèvres bien-aimées ! »
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