Trois
femmes discutent en prenant le thé. Elles sont toutes les trois célibataires,
et elles en souffrent. Par « célibataire » je ne veux pas dire
« sans mari » mais simplement sans compagnon ou sans petit ami. Je
déteste le terme « petit ami », d'ailleurs. Cela fait un peu trop
ado. Je pense qu'on devrait dire « grand ami ».
La
première s'appelle Olivia. A 63 ans, elle est encore très belle, avec un corps
mince et souple. La seconde s'appelle Inès. A 57 ans, elle est moins mince
qu'Olivia mais cependant très élégante. La troisième s'appelle Enya. A 61 ans,
elle est petite, mince et discrète.
Elles
parlent d'hommes, bien entendu, et de la façon d'en trouver, ce qui, à leur âge,
leur laisse bien peu de choix.
« Moi » dit Olivia
« je mets la barre très haut. Vous comprenez, mon mari était architecte,
et à sa mort, j'ai eu une liaison avec un PDG. Oui, je mets la barre très
haut. »
« Si tu mets la barre trop
haut » ricane Inès « tu risques de passer dessous. Et toi, Enya, où
places-tu la barre ? »
« Moi aussi je la place très
haut mais cela n'a rien à voir avec leur profession. J'ai passé huit années
merveilleuses avec Enrico. Il avait, je le concède, un corps magnifique. A part
cela, il ne faisait pas l'amour particulièrement bien. Correctement, sans plus.
Il avait un petit visage tristounet que certaines femmes trouvaient laid car
ses lèvres étaient déjetées sur la gauche. Un accident de naissance, paraît-il.
Il parlait avec la bouche en coin. »
« Qu'est-ce qu'il faisait
dans la vie ? » demande Olivia.
« Il était doux, gentil,
affectueux, facile à vivre. J'en étais totalement amoureuse. »
« Oui, mais qu'est-ce qu'il
faisait dans la vie ? »
Enya
hésite puis se lance : « Il était technicien de voirie. C'est du jargon de
soixante-huitard pour dire qu'il ramassait les poubelles. »
Olivia
semble horrifiée. Inès tapote l'avant-bras d'Enya. « Je t'envie, Enya.
C'est toi qui a mis la barre très haut, et sans passer dessous. »
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