On sait à quel point les
critiques du XIX° siècle se sont moqués des Impressionnistes. On ne veut plus
être accusé de commettre la même erreur. Alors on passe d'un excès à l'autre.
On s'extasie devant tout, juste au cas où...
La réaction – car il y en a
toujours une – ne s'est pas fait attendre. Dès le tournant du XX° siècle des
étudiants ont proposé à l'admiration béate des gogos (de nos
jours, ce seraient les bobos) un tableau
« peint » par la queue d'un âne.
D'autres ânes, sans aucun
talent de peintre, mais avec celui de gagner
de l'argent, entreprirent de jeter des
seaux de peinture sur un canevas étendu au sol ou contre un mur. Dans
certains cas, ça a fort bien marché. Devons-nous avoir si peur de
dire que le roi est nu ?
Dans un autre domaine, qui pourrait affirmer maintenant que le XVIII° siècle
français était un grand siècle de poésie ? Ah oui, bien sûr, il y a André
Chénier. Sans nier son talent, il est permis de se demander quelle aurait été
sa renommée s'il avait vécu au XIX° siècle avec Hugo, Musset, Lamartine, Vigny,
Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Mallarmé...
Il en est de même en musique
classique. Il y a assez de grands compositeurs sans que nous devions nous
sentir obligés de tous les encenser.
« Vous n'aimez pas la
musique classique moderne » m'a-t-on reproché bien des fois.
Certes, je déteste les
symphonies pour charnières grinçantes ou les concertos pour chats dont la queue
est prise dans la portière. Ceci dit, j'aime certains moments d'Arvo Pärt, de
Samuel Barber, de John Adams ou de Benjamin Britten. Je ne déteste pas Florent Schmidt. Dans
l'ensemble, pourtant, le reproche que l'on me fait de ne pas aimer la musique
classique moderne reste assez justifié. Jusqu'à ce que...
Jusqu'à ce que je fasse la
connaissance musicale de Gorecky. Ce compositeur très contemporain (puisqu'il est toujours en vie) a passé sa petite enfance à seulement quelques kilomètres de Auschwitz-Birkenau dont, selon la direction du vent, il en décelait souvent les effluves. Répercussion sur son œuvre ? Qui sait ?
Voilà une musique outrageusement moderne ;
profonde et mystérieuse dans les symphonies ; souffrante, hurlante, presque
insoutenable dans les quatuors. Mais (et c’est un « mais » crucial) je détecte dans ce compositeur la marque du génie.
Il a VRAIMENT quelque chose à dire au lieu de se contenter, à la
Pierre Boulez, de faire de la
« recherche » pour épater le bourgeois. Gorecky me déculpabilise et
me rassure : oui, j'aime la musique classique
moderne, même la très, très moderne, pourvu qu'elle ait de la substance : émotion, beauté, profondeur…
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