Arrivé à Prestwick en provenance de
Toronto, je me retrouvai, à six heures du matin, avec plusieurs heures de
flottement entre mon rendez-vous, programmé pour neuf heures, et l’avion pour
Paris. À l’exception d’une tasse de mauvais café, j’avais refusé le petit
déjeuner servi à bord. Mon estomac me disait qu’il était onze heures du soir, et
je n’avais pas faim. Cependant, à peine débarqué, l’air frais de l’Écosse me
donna soudain un appétit féroce. Peu enclin à faire confiance aux restaurants de
l’aéroport, je pris la navette et me retrouvai au centre-ville de Glasgow un
quart d’heure plus tard.
Longeant un hôtel au style victorien
imposant, je vis des gens qui prenaient leur petit déjeuner dans une immense
salle à manger. J’entrai et je m’assis à une table pour une personne. On me
servit du café (du bon, cette fois) avec crème fleurette, petits pains
briochés, ramequins de beurre, margarine et confitures. Le garçon m’indiqua le
buffet, et ce fut avec plaisir que je retrouvai les éléments d’un petit déjeuner
britannique non seulement copieux mais franchement luxueux : vasques
pleines de framboises, de fraises ou de quartiers de clémentines, œufs
brouillés, œufs sur le plat, bacon, saucisses, champignons poêlés, harengs
saurs, pommes de terre sautées, tomates frites et rognons à la diable.
L’appétit vint en mangeant et je me levai de table dans les meilleures
dispositions possibles.
Le
garçon s’approcha : “Quelle chambre, Monsieur ?”
“Comment
cela ?”
“Votre
numéro de chambre, Monsieur.”
“Mais
je n’ai pas de chambre.”
“Le
petit déjeuner est réservé uniquement aux clients qui ont une chambre.”
“Désolé :
je ne savais pas. Je vais vous le payer. C’est combien ?”
Le garçon se gratta la tête. “Tout cela
est bien compliqué. Comment je vais expliquer ça au patron, moi ?” Je
haussai les épaules.
“Bon”
reprit le garçon.“ Filez discrètement et ne dites rien à personne ou je vais me
faire engueuler.”
Je filai (à l’écossaise, naturellement)
non sans avoir donné au garçon un excellent pourboire. Ce petit déjeuner tout à
la fois énorme, délicieux et gratuit, fait partie de ces évènements sans
importance dont le souvenir tient chaud au cœur et vous fait aimer la vie.
Glasgow : centre. |
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