« La Visite de la Fanfare » du réalisateur : Eran Kolirin
L'orchestre de la police
d'Alexandrie, après quelques erreurs de billetterie et de navigation, se
retrouve par accident dans une petite ville israélienne. Cette fanfare de 14 musiciens
habillés impeccablement d'uniformes bleu pâle est dirigée par un colonel. Les
sentiments des autres musiciens vis-à-vis de leur chef d'orchestre sont mitigés
mais jamais hostiles.
Des Égyptiens en Israël !
Allons-nous assister à un conflit, à des injures ou des brimades ? Les
représentants des deux nationalités se regardent en chiens de faïence puis
s'apprivoisent peu à peu. Il n'y a qu'un bus par jour. Pour retourner en
Égypte, l'orchestre devra passer la nuit en Israël. Les villageois leur offrent
l'hospitalité.
Il faut préciser que leur village
n'a rien de charmant ou de pittoresque : il n'est fait que de cubes de ciment
posés en plein désert.
Et c'est là que commence la
véritable magie de ce film. Tout, dans ce cadre dénudé, évoque la solitude.
Les extérieurs ? Une autoroute
déserte sur laquelle virevolte le sable, autoroute éclairée la nuit par deux
rangées de réverbères graciles et blafards. Une cabine téléphonique isolée sur
un parking sans voitures, et toujours ces cubes d'habitation jaunâtres qui
forment le « village ».
Les intérieurs ? Des salles nues
aux murs nus, ou presque. Seule décoration : des petites niaiseries pendues au
plafond, et rappelant les « mobiles » des années 50. Des tables et
des chaises tubulaires, des surfaces en formica ; une salle de bal aux murs
également nus où, sur une maigre musique d'accordéon, se dandinent seulement un
ou deux couples.
A cette solitude géographique répond la solitude des âmes :
–
Celle du jeune homme qui passe ses nuits près de
la cabine téléphonique dans l'espoir que sa petite amie l'appellera. Ce
soir-là, miracle, elle l'appelle.
–
Celle de la jeune tenancière du misérable petit
restaurant perdu au milieu de nulle part, et qui passe la nuit avec le plus
jeune et le plus beau des musiciens.
–
Celle du chef d'orchestre au beau visage grave
qui n'arrive pas à se remettre de la mort de sa femme, puis de celle de son
fils. Ce fils, avec qui, dit-il, il a été trop dur, et qui s'est suicidé.
–
Celle de la jeune femme au visage et au corps
très ordinaire, et qui se désole de ne jamais trouver l'amour.
–
Celle du garçon un peu simple et maladivement
timide qui se dit, lui aussi, qu'il ne connaîtra jamais l'amour. C'est un
Égyptien qui arrivera à réunir ces deux âmes à la dérive.
La beauté de ces images
minimalistes est à la fois envoûtante et angoissante. On éprouve la même
tension que dans un film au suspense insoutenable. Le message est obsédant :
par nous-mêmes ou avec les autres, nous sommes seuls... Nos souhaits, nos
projets se réalisent ou tombent à l'eau complètement au hasard.
Au moment du départ des Égyptiens,
rien n'est dit ou presque. Toute la tragédie de la situation se réfugie dans
les regards de ces gens que tout sépare en principe, mais qui aimeraient tant
se revoir, tout en sachant qu'ils ne se reverront jamais.
« La Visite de la
Fanfare » fait partie de ma liste des 100 plus grands films.
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