En
général, je ne crois pas aux rêves. Le cerveau travaille à vide et se balade
dans toutes les directions comme des atomes agités par le mouvement brownien.
Pourtant, l’autre jour, j’ai rêvé que j’étais sur un terrain vague et que mon
père me lançait des pierres ainsi que font les Arabes quand ils voient un
chien. Je me suis réveillé profondément troublé.
C’est
vrai : je ne l’ai jamais aimé. Il était inculte, ce qu’on ne pouvait lui
reprocher mais il était fier de l’être et cela, c’est impardonnable. Il était
borné et têtu comme une bourrique. Il avait des qualités, bien sûr :
travailleur, loyal et fiable. Il y avait chez lui des élans généreux qui
faisaient bon ménage avec des accès d’égoïsme profond, comme celui de refuser
de se procurer une prothèse auditive. On ne peut pas conduire une conversation
intelligente quand il faut hurler. Mon père se serait senti plus à l’aise en
Espagne, car même autour d’une table, les gens crient comme s’ils étaient aux
deux bouts d’un champ.
Quoi
qu’il en soit, et comme c’était un homme de principes, j’avais toujours pensé
qu’il m’aimait, sinon viscéralement comme la plupart des pères aiment leur
fils, mais du moins par principe. Je me trompais peut-être. Mon cerveau, dans
le subconscient du rêve, m’aurait-il ramené à la réalité ?
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