J’ai revu Brigitte hier soir, une ancienne collègue
de travail. Elle a quatre-vingts ans, et bien qu’encore debout et capable de se
débrouiller toute seule dans son appartement, elle est en train de mourir
doucement à la fois de diabète et d’insuffisance rénale. Elle a déjà fait
savoir à l’hôpital qu’elle refuserait les dialyses. Elle n’acceptera que les antalgiques.
Elle veut mourir avec dignité et en possession de tous ses moyens. Elle n’a
jamais été jolie mais son visage est maintenant empreint d’une véritable
noblesse. Elle a deux fils, et le contraste entre les deux m’a toujours
fasciné.
Victor enseigne dans un établissement pour enfants
physiquement et mentalement handicapés. Il « se donne » beaucoup, et
le crie sur les toits. Il a épousé une jeune femme très intense, très dévouée,
très politiquement à gauche et toujours en train de se plaindre de ceci ou de
cela. Ne pouvant avoir d’enfants, ils en ont adopté deux : handicapés
mentaux, naturellement. Leur vie est un modèle de dévouement mais ils sont pleins d’amertume, et Victor, par des moyens détournés et une
bonne dose de chantage psychologique, ne perd jamais une occasion de soutirer
de l’argent à sa mère. Brigitte voit arriver Victor avec appréhension
car même lorsqu’il n’a pas besoin d’argent, il lui casse la tête avec ses
jérémiades.
Arsène, par contraste, a longtemps été homosexuel.
Il avait un bon travail dans un bureau et se rendait régulièrement en Thaïlande. Au
début, c’était pour se taper des ados, puis par hasard, il est tombé amoureux…
d’une femme ! Il a donc viré sa cuti dans le sens homo/hétéro. Il est
maintenant marié, et vit en Thaïlande, mais revient souvent rendre visite à sa
mère en France. Sa femme est financièrement à l’aise ; lui-même a un bon
salaire. Résultat, il aide Brigitte quand elle en a besoin : une
nouvelle cuisine, des réparations de voiture etc. Brigitte voit
arriver Arsène avec plaisir car même s’il est vrai qu’il vient parfois pour
l’aider financièrement, il vient surtout pour lui apporter son soutien
psychologique et son affection.
Victor et Arsène me rappellent irrésistiblement l’épisode de
Marie-Marguerite et Marie-Madeleine dans l’Évangile, ainsi que la parabole du
Pharisien et du Publicain, sans oublier la fable de La Fontaine : Le
Songe d’un Habitant du Mogol.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire