Tout le monde se plaint du fait que les
jeunes ne savent plus ni lire, ni écrire, ni s’exprimer. On blâme l’école et on
a raison. Il ne faut pas confondre « l’école » et « les
profs ». Les profs sont les fantassins de l’école. Ce ne sont pas eux qui
gagnent ou qui perdent les batailles : les vrais gagnants et les vrais
perdants sont toujours les généraux ; des généraux qui, de décennie en
décennies se révèlent de plus en plus incapables.
La
situation dans les collèges est pire que dans les lycées car, de la sixième à
la troisième, la présence scolaire est obligatoire. Il suffit de quelques
voyous pour faire échouer toute une classe. C’est là que les généraux font
preuve d’à peu près autant de courage qu’ont su en montrer Bazaine, Darlan ou
Weygand. Ce courage consisterait à enlever des classes ceux qui ne veulent pas
apprendre, et qui dans la foulée, empêchent les autres élèves d’apprendre.
On
lève les bras au ciel, surtout si on est de gauche ; on feint l’horreur.
« Mais que faire de ces élèves-là ? » On accuse ceux qui
proposent cela de vouloir revenir aux maisons de corrections ou aux enfants de
troupe, style « Allons z’enfants ». On ne songe pas un instant à
respecter ce mot dont on se gargarise en l’appliquant si peu : Liberté.
Condamner des élèves studieux à l’échec à cause de la présence de quelques
voyous dans la même classe, ne représente pas une très haute idée du concept de
liberté. Ce n’est que la liberté du Mal contre celle du Bien.
À
cela, on oppose immédiatement trois objections. D’ailleurs, en France, on
s’oppose toujours à tout : immobilisme des syndicats oblige.
Première
objection : « Où trouvera-t-on des profs qui accepteront de se
coltiner à la racaille ? » La réponse est surprenante : on en
trouve. Le nombre de profs qui sont à la fois capables de (et volontaires pour)
se dévouer à l’éducation des rebelles est impressionnant. Par expérience
personnelle, je dirais 2%. C’est énorme lorsque l’on considère que, même dans
les banlieues dites difficiles, c’est toujours une minorité d’élèves qui sème
le bordel. La majorité, sans être composée de petits anges, aime apprendre et
veut apprendre. Le plus souvent, ils en sont, dans un premier temps, empêchés
par les voyous puis, dans un deuxième temps, ils se joignent à eux sous la
pression du groupe.
Deuxième
objection : « que leur apprendre ? » Réponse : ce
qu’ils veulent, à condition unique qu’ils apprennent vraiment quelque chose.
Oui, cela peut être le foot, le basket ou la pêche à la ligne, mais souvent ce
seront aussi des activités manuelles menant à un métier.
Troisième
objection : « Mais ils seront défavorisés par rapport aux
autres ! » Pas du tout. Certains, les plus irréductibles,
n’apprendront rien, c’est vrai ; mais leur but, en entrant au collège
était déjà de ne rien apprendre et, en plus, d’empêcher les autres d’apprendre.
Aucune différence pour eux mais une grande différence pour leurs camarades. Il
faut tout de même penser aussi aux bons élèves, que diable !
D’ailleurs, pour la plupart des mauvais élèves, apprendre quelque chose qu’ils
aiment mène presque toujours à vouloir reprendre des études plus
conventionnelles. Pour ceux qui se repentent plus tard – et il y en a beaucoup
– il faudrait, bien sûr, pouvoir offrir des cours pour jeunes (et moins jeunes)
adultes.
Le
meilleur gage de succès de ce programme, c’est que lorsqu’on n’est pas obligé
de faire quelque chose, on veut le faire. Ferait-on de l’alpinisme, du cheval,
du rugby ou du ski de fond si on nous y obligeait ?
Tout
cela, c’est la responsabilité des généraux au niveau gouvernemental.
Il y a,
hélas, une autre couche de généraux : les syndicalistes. Pour eux, la
situation se résume à : plus de « moyens » comme ils disent et
moins de travail. Ils réclament le loisir et la possibilité de manipuler les
jeunes pour que ces derniers fassent élire un gouvernement de gauche et donnent
encore plus de pouvoirs aux syndicalistes. Des élèves qui ne savent ni lire ni
écrire ? Peu importe. Des profs qui se font attaquer ? Aucune
importance. D’autres qui se suicident ? Bon débarras ! On « fait
du social » ou on n’en fait pas.
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