jeudi 19 décembre 2024

Premières amours

 

Quatorze ans


Tu auras toujours quatorze ans

ma calme et douce lycéenne

aux grands yeux bleus, aux blonds cheveux,

au regard triste et douloureux,

aux longues jambes remontant

sous l'ombre d'un manteau d'hiver.


Ayant perdu Papa, Maman,

tu vivais chez tes grands parents.

Tu recherchais ma compagnie

et moi, perclu de religion,

je ne savais comment t'aimer.


J'étais ce que voulait mon âme.

et je pliais sous la douleur

d'un catholicisme imposteur,

ce poison qui détruit les cœurs.


Et comment vas-tu maintenant ?

Ton rêve est-il toujours vivant ?

Le mien est mort depuis longtemps.

Tu auras toujours quatorze ans ans.

mercredi 18 décembre 2024

Amitiés

Il y a des amitiés qui durent. Deux des miennes ont commencé en sixième. Michel était joli comme un chérubin avec son visage rond et ses  cheveux blonds et bouclés.  Nous ne disions pas grand chose. Nous aimions simplement être ensemble. Michel est devenu prof d'anglais. Pour se familiariser avec la langue parlée, il est allé passer un an à l'Université de Colorado à Boulder. Un jour, alors qu'il regardait un match de football universitaire en mangeant un chien chaud, il fut piqué par deux guêpes américaines (yellow jackets), semblables aux nôtres mais plus grosses, qui s'étaient posées sur la saucisse de Francfort. Sa langue enfla immédiatement. Une ambulance arriva et lui épargna le désagrément de mourir étouffé.

L'autre s'appelait Gérard. Intelligent, actif, myope et porté aux excès (de vitesse ou d’alcool). Il aurait voulu devenir chirurgien mais ses problèmes de vue firent qu'il dut se contenter d'être médecin généraliste. Il épousa Denise qui était devenue médecin du travail. Il mourut de leucémie à l'âge de 73 ans. Gérard et moi avons fait notre tour de France à bicyclette. Partis de Saint-Nazaire, nous sommes allés par étapes jusqu'à Bruxelles car nous voulions tous les deux voir l’Atomium. De là, nous sommes descendus sur la côte d'Azur puis nous sommes remontés vers le nord en passant par Narbonne. Nous avions des vélos ordinaires sur lesquels étaient empilés une petite tente et le minimum d'équipement nécessaire à notre survie. Au début, nous faisions des étapes de 50 Km par jour mais peu à peu nous arrivâmes à 75, 100 puis 125 Km. Notre record : 150 !... et ce soir-là nous sommes allés danser. Comme la jeunesse est belle !

Plus tard, en Terminale, j'ai connu l'amitié d'un autre Michel. Il était plus intellectuel que les deux autres. Je luis dois une dette immense, je dirais même immentissible si le mot existait : l'introduction à la musique classique. Il lisait beaucoup aussi et me fit connaître de grands romanciers américain dont j'ignorais jusqu'à l'existence. Il devint journaliste dans le domaine de la finance. Pas très folichon, sauf, bien sûr, pour ceux que cela intéresse. Tous les ans, il m'invitait à venir passer une semaine chez lui sur l'Ile d'Yeu. Nous discutions interminablement. De mes trois amis, c'est celui qui maintenant me manque le plus. Il a contacté la maladie de Parkinson et il est mort en 2018.

Une réflexion de la part de Denise m'a fait réfléchir : "Si vous vous rencontriez de nos jours, vous ne deviendriez jamais amis." Elle a certainement raison mais pourquoi a-t-elle raison ? 

mardi 17 décembre 2024

Grandes vacances

 Les grandes vacances ! Le seul énoncé de ces trois mots diffusait déjà son parfum de poésie car pour les enfants le temps passe très lentement. En effet, leur coeur bat plus vite que celui des adultes. Plus le coeur bat vite plus le temps passe lentement. A contrario, les vieilles gens (dont je fais maintenant partie et dont le coeur bat plus lentement) ont l'impression que le temps passe vite. Je me demande ce que ressentent les éléphants. En effet, leur coeur ne bat que 20 fois par minute !

Un pré-adolescent a l'impression que les grandes vacances n'arriveront jamais. Quand elles arrivent quand même, il pense qu'elles ne se termineront jamais. Les opinions sur la durée de ces vacances varient énormément et il existe de bon arguments pour les raccourcir ou les préserver. Je suis pour la préservation. Lorsque je rejoue dans ma tête les vacances passées au Chefresne, je les vois auréolées de poésie mais aussi d'un enseignement différent de celui de l'école. Je les passais chez mon oncle qui était le curé du village.

Il y avait d'abord le presbytère et son parfum de fraîcheur, même durant les canicules... le grand jardin potager entouré de bandes de fleurs telles que des giroflées ou des iris. Je pense aux ruches et au fascinant apprentissage de la vie des abeilles... la rivière, encore non polluée avec sa faune de poules d'eau, truites, anguilles, couleuvres, libellules, patineurs et rats d'eau, sans compter les habitués du lieu tels les canards ou les martin-pêcheurs. Autrement dit un vaste monde de sensations, une encyclopédie de vie aquatique. 

Ces souvenirs enchanteurs me sont douloureux maintenant. La rivière qui traversait le domaine du presbytère est tout simplement morte. Nitrates, insecticides, pesticides et fongicides agricoles l'ont transformé en un ruban jaunâtre et saumatre. Les eaux s'écoulent en un silence de mort. A vouloir tout améliorer, on a tout détruit.


 

samedi 14 décembre 2024

L'inspecteur

Les inspecteurs


Les profs ont peut-être tort d'avoir peur des inspecteurs... ou alors, j'ai eu beaucoup de chance.

Cotonou : Jamais d'inspection.

 Hagersville : Mon premier inspecteur était remarquable. Au lieu de débiter tout ce qui n'allait pas dans ma façon d'enseigner, il m'a simplement demandé d'aller écouter une leçon dans la classe d'une certaine Mme Jacques. Là, je me suis rendu compte que je n'avais pas vraiment à m'inquiéter. Néanmoins, l'approche de cette Mme Jacques m'a effectivement fourni quelques précieux tuyaux sur la façon d'enseigner au niveau secondaire.

Port-Hope : Aucune inspection.

Pittsburgh :  Aucune inspection.

Basildon :L'enseignement à Barstable n'était pas digne du nom "enseignement". C'était du gardiennage. Les profs survivaient d'une journée sur l'autre et les voyous régnaient en maîtres. Aucun élève n'était renvoyé car (version officielle) cela aurait "nui à la réputation" de l'établissement. Quelle réputation ? Cette école n'était qu'une poubelle où les rares élèves qui apprenaient quelque chose le faisaient malgré l'école et non à cause d'elle. Mr Wally, l'inspecteur de français et espagnol, s'empêtrait dans des théories fumeuses pour que les langues étrangères soient "accessibles aux élèves". Cette sinistre comédie faisait perdre des millions de livres aux contribuables.

Southend-on-Sea : Eastwood High School for Girls représentait l'exemple même de ce qu'une Secondary Modern School pouvait et devait être. En principe, cet établissement était destiné aux élèves peu doués. En fait l'atmosphère était à la fois studieuse et sympathique avec une place non négligeable pour l'humour. Les résultats suivaient. Dans certaines disciplines nous avions presque les mêmes taux de réussite aux examens que les Grammar Schools. Cet état de fait ne pouvait pas durer. Les grands pontes de l'enseignement public décidèrent que l'établissement deviendrait mixe. Dès que les garçons arrivèrent, les résultats chutèrent, l'atmosphère se détériora et la médiocrité (parfois soulignée de violence) s'installa. Je n'ai eu, durant cette deuxième période qu'un seul inspecteur, homme fort sympathique d'ailleurs, qui décida de prendre l'une de mes classes en main pour se "remettre dans le bain" disait-il. Il en sortit "échevelé, livide au milieu des tempêtes" et me souhaita bonne chance.

Chatham : Un seul inspecteur, lui aussi fort sympathique. Les problèmes de l'école venaient de la direction, non des élèves. Il existe ainsi toute une clique d'"expert" qui sont obsédés par les méthodes. Peu importe les résultats. Réunions à tous les niveaux  sur le "dévelopement du curriculum" et autres considérations fumeuses. L'établissement : Chatham Grammar School for Girls, n'en restait pas moins une école au-dessus de la moyenne. Qu'en est-il maintenant, 30 ans plus tard ? Nos grands théoritiens finiront bien par la détruire.

 

lundi 9 décembre 2024

Appareils photo

 L'un de mes projets (du genre qui ne se concrétisera jamais) serait d'installer au salon ou dans mon bureau, un présentoir vitré exposant tous les appareils photo qui me sont passés par les mains. Je les trouve beaux. Ce n'est pas l'avis de tout le monde.

Gamin, j'étais fasciné par l'appareil à soufflet de mon père. Tous ces réglages ! Et l'image 6x9 qui apparaissait sens-dessus-dessous sur le verre poli ! 

Je n'ai plus le premier appareil que j'ai acheté avec mes propres deniers. C'était un minuscule 24x36 qui prenait des photos d'une exceptionelle qualité. Ce n'était pas une grande marque, et j'ai oublié le nom.

Au Canada, en 1967, j'ai acheté un Pentax. L'obturateur à rideau n'a rendu l'âme que dix ans plus tard. Puis vinrent un Exa, un Exacta et un Fuji.

L'ère des photos digitales est apparue vers l'an 2000. Je suis passé à Canon puis Sony. 

On a dit ensuite que les appareils photo n'avaient plus raison d'être, les téléphones portables donnant de semblables résultats.

C'est donc avec plaisir que j'ai lu un article récemment sur le retour (modeste) de l'appareil photo. La carte digitale est plus facile à manier sur un ordi. Je dis bonne chance à tous ces appareils : ils ont leur place.

jeudi 5 décembre 2024

"Familles, je vous hais !"

 

« Familles, je vous hais ! »

Qui n'a réagi positivement ou négativement à cette célèbre envolée d'André Gide ?

Alors, qu'est-ce qu'une famille ?

C'est d'abord un jeu de dés. On ne choisit ni son père ni sa mère. Chaque personnalité colle ou ne colle pas à celle du (ou de la) partenaire. Leurs convictions, leurs principes et leurs croyances avaient été sculptées de longue date (acceptation ou refus) par leurs propres parents. Le résultat est surprenant,

Mon père avait 8 frères et sœurs. Quelle famille, en effet ! Entre grossesses et fauses-couches, sa mère a passé sa vie d'adulte enceinte. Heureusement, elle se retrouva veuve assez tôt et survécut à ce rythme infernal mais pour ce couple comme pour tant d'autres, ce n'était pas l'union de sperme et d'ovules qui faisait les bébé : c'était Dieu ! Que sa volonté soit faite...

Ma grand-mère paternelle était une femme dure. On le serait à moins. Ses qualités ? A la mort de son mari, elle fonda puis fit fructifier un magasin de tissus. C'était le seul de la région : il réussit. 

Ses défauts? Elle jugeait les gens d'après leur rang social et leur profession, allant jusqu'à refuser de parler à des bonnes, c'est-à dire à des servantes. Les leçons de l'Evangile n'étaient que des récits abstraits. Elle avait une bonne, pourtant : Fifine. C'est elle qui a élevé les enfants.  

Quand ma grand-mère est morte, ses 8 enfants lui payèret de magnifiques funérailles et un non moins magnifique tombeau. Ils la menèrent au cimetière en bavardant de choses et d'autres. Quand Fifine est morte, ils ont pleuré comme des madeleines.

Résultat ? Sans être mystique, mon père était inébranlablement catholique.

Ma mère, traumatisée à l'âge de 5 ans par la mort de son père, était encore plus engoncée en religion que mon père. C'était pratiquement leur seul point commun.

Et moi ? Ils m'ont vite dégoûté de tout cela. Ce que j'ai envie de crier, ce n'est pas "Familles, je vous hais", c'est  : religions, je vous hais.