Exceptions qui confirment la
règle.
La reprise d’un film est moins
bonne que l’original. C’est vrai, mais…
Je pense à deux exceptions. Il y
en a probablement d’autres.
Three Men and a Baby, mis en scène par Leonard Nimoy est une
reprise du film français Trois hommes et
un couffin de Coline Serreau. J’y ai trouvé les dialogues moins hystériques
et beaucoup plus drôles que dans l’original. La qualité de l’image est
meilleure, et le spectateur sympathise plus facilement avec les protagonistes.
Lolita d’Adrian Lyle est une reprise du Lolita de Stanley Kubrick. J’ai une immense admiration pour
Kubrick, mais tout artiste, même tout grand artiste a des moments de faiblesse.
Le Lolita de Kubrick est malmené de
plusieurs façons. Lolita, qui est censée n’avoir que quatorze ans, en a
clairement vingt ou plus. Quant au professeur, joué pourtant par le formidable James
Mason, le scénario s’acharne à nous le présenter comme un être dur, égoïste et attiré
uniquement par le côté physique de Lolita. Le spectateur a beaucoup de mal à s’identifier
à un personnage aussi rébarbatif. Lolita elle-même n’est qu’une petite
aguicheuse pleine de caprices. Son cœur est froid comme un glaçon. Par
contraste, la Lolita d’Adrian Lyle n’avait vraiment que 14 ans au moment du
tournage, et ça se sent tout de suite. Elle n’est pas amoureuse de son
professeur, mais elle dégage une chaleur humaine, une dimension psychologique et
une intense sensualité, que la Lolita de Kubrick ne possède pas. Le professeur,
joué par Jeremy Irons, est sympathique. Il n’est pas attiré uniquement par le
physique de Lolita : il en est vraiment amoureux. Si l’on ajoute la
somptuosité des images et des cadrages, on se retrouve devant un vrai chef d’œuvre,
comparé à une entreprise ratée.
Autre lieu commun : le film
tiré d’un livre est moins bon que le livre.
C’est très souvent vrai, surtout
si le livre est excellent.
Je n’aime pas beaucoup les romans
de Stephen King, et puisque nous parlons exceptions, j’en mentionnerai une :
Misery. Pourquoi ? Parce que
dans Misery on ne rencontre ni
fantômes ni esprits maléfiques. Dans un roman, amener des esprits est vraiment
une solution de facilité, un deus ex
machina. On peut leur faire accomplir n’importe quoi n’importe quand. Les
limites physiques et mentales de l’être humain sont abolies ; or ce sont
précisément ces limites et ce carcan qui sont à l’origine du drame de la
condition humaine. C’est pour cela que j’aime Misery : aucune intervention extrahumaine. Comparé au roman,
le film de Bob Reiner est médiocre, et confirme ainsi l’idée communément
acceptée que le film est inférieur au livre.
Restons avec Stephen King, mais
cette fois pour The Shining. L’auteur
présente les fantômes et autre esprits maléfiques comme étant bien réels, au
point qu’ils s’échappent de l’hôtel en flamme par les fenêtres ! Mais
maintenant nous retrouvons Stanley Kubrick. Dans son film, tout ce qui est
magique et visions terrifiantes se passe strictement dans les imaginations
surchauffées de l’écrivain raté et de son fils. Résultat : un chef d’œuvre
qui dépasse de loin le roman.
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