Il faut faire la différence entre l’art poétique qui est, par définition, l’art
d’écrire de la poésie, et UN art poétique qui résume la façon dont un écrivain
envisage la création littéraire pour les autres, mais surtout pour lui-même.
Je me lance :
- Limiter le nombre des personnages, et s'assurer que le lecteur les
connaisse et les reconnaisse bien. On peut s’accommoder d'un grand nombre de personnages sur la scène, et encore plus dans un film, mais dans un roman, qui ne sera probablement pas lu d'une seule traite, il faut que le lecteur puisse situer (et reconnaître) chaque personnage sans hésitation.
- s'assurer que le lecteur puisse s'identifier avec le personnage principal. Ce dernier ne doit pas nécessairement être quelqu'un doué de grandes qualités. Dans le film "Léon", le spectateur s'identifie avec un tueur à gages. Si le roman est bien écrit, un vieillard, pendant sa lecture, n'aura aucun mal à s'identifier avec une petite fille, un aventurier avec un moine ou encore un marin avec un alpiniste.
- Mettre le lecteur au centre de l'action en jouant sur les cinq sens. Le
personnage principal touche et sent (l'odorat est la base des souvenirs
d'enfance, par exemple). Sa peau réagit au froid, à la chaleur, à l'humidité et
à bien d’autres stimuli. Il goûte, il entend, il voit. Flaubert ajoutait un
sixième sens : le sens du rêve. La dernière phrase d'un chapitre ou simplement
d'un paragraphe est particulièrement importante pour encourager le rêve. Il
suffit souvent de mentionner le ciel, les grands espaces, la cime des arbres,
les nuages ou les étoiles.
- Indiquer comment les personnages sont habillés, mais sans que cela
devienne un "truc" répétitif trop évident.
- La météo : quel temps fait-il à tel ou tel moment ? La météo peut
accompagner les états d'âme d'un personnage, soit par contraste (une grande
souffrance pendant une matinée paradisiaque) soit comme une musique
d'accompagnement : vent et pluie avec la tristesse ; orage avec la peur ou la
colère.
- L'eau. Nous somme composés d'eau à 70%. Nous y réagissons inconsciemment.
Freud a découverte cela, mais Racine (Voyez
tout l’Hellespont blanchissant sous nos rames), Baudelaire et Flaubert s'en
doutaient depuis longtemps.
- La lumière. Elle est le symbole de la vie, de la joie et du bonheur. Dans
"Madame Bovary", après que Léon eût trouvé le courage d'avouer son
amour à Emma, il s'approche de la fenêtre et voit les nuages qui se dissipent,
et la lumière qui tombe sur terre. Pensez aux romans que vous avez aimés : la
première admission d'amour, le premier baiser, la première nuit passée avec
l'être aimé, et l'écrivain (inconsciemment la plupart du temps) vous inonde de
lumière.
- Le rythme de la phrase. Flaubert relisait chacun de ses paragraphes à
haute voix. Il appelait cela son "gueuloir". Bossuet le faisait aussi
avant de prononcer un sermon. On peut demander à quelqu'un d'autre de lire un
paragraphe. Si la personne "trébuche" en le lisant, c'est que ça
cloche : c’est peut-être un mot qui se termine par un son de consonne alors le
mot suivant commence aussi par une
consonne, ou peut-être que, de façon inconsciente, le lecteur s'attendait à ce
qu'une phrase ait une syllabe de plus... ou de moins !
Un bon roman est un poème en prose.
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