Qu’est-ce que la pauvreté ?
Qu’est-ce que la richesse ? Dans les années 60, un jeune Indien, prof de
maths, me disait : « Je préfèrerais me suicider plutôt que d’être
obligé de retourner dans mon pays. Là-bas, un instit doit économiser environ 3
ans avant de pourvoir s’acheter une bicyclette. » C’était il y a 50 ans.
On espère que les choses se sont améliorées depuis.
L’existence de la pauvreté a
toujours fait réfléchir. “Si la majorité de la population est pauvre”, se
disait le jeune Siddhârta Gautama (avant d’être plus connu sous le nom de
Sakyamuni, puis de Bouddha) “c’est parce que la pauvreté imprègne la condition
humaine. C’est donc dans l’état de pauvreté que réside l’essence même de cette
condition humaine.” François d’Assise semble avoir suivi le même raisonnement.
Quant au Christ, il a dit : “Il y aura toujours des pauvres parmi vous.”
Lorsque, dans les années 50, on
disait des États-Unis qu’ils jouissaient du plus haut niveau de vie que le
monde ait jamais connu, il se trouvait toujours des grincheux pour ajouter :
“Oui, mais il y a encore des pauvres.” Comme si le fait qu’une société ne soit
pas parfaite suffise à la condamner dans son ensemble. À l’aulne de ce
jugement, tout est condamnable, car rien n’est parfait.
Vers la fin des années 80 est
apparue aux États-Unis une série télévisée appelée Roseanne qui eut le courage
d’aborder le problème de la descente d’une bonne partie de la société
américaine vers la pauvreté. Cette descente avait commencé dix ans plus tôt
mais n’avait eu rien de spectaculaire. C’était un cancer à la fois invisible et
silencieux. Les maisons étaient les
mêmes, les voitures aussi. Le niveau de vie restait, pour l’immense majorité
des Américains, l’un des plus élevés au monde. La détérioration, cependant s’accentuait
lentement d’année en année.
Qu’en est-il de nos jours ? Extérieurement,
les choses ont peu changé, même si les voitures ont rétréci. Ce qui a le plus
rétréci, c’est le pouvoir d’achat de l’Américain moyen. Typiquement, il a pourtant un
travail (le chômage est à moins de 5%).
Alors, qu'est-ce qui cloche ? S’il est allé à l’université il s’est endetté.
Cela peut aller de $50 000 pour une licence à $200 000 pour un doctorat. L’immobilier,
qui est à peu près le même qu’en Europe dans les grandes villes, mais plus raisonnable
dans les petites, demeure un pesant fardeau. Les dépenses médicales sont un
cauchemar permanent car malgré les assurances elles peuvent anéantir en
quelques jours les économies de toute une vie. De plus en plus de ménages doivent
faire face à ces trois empêcheurs de tourner en rond. Résultat : malgré
les apparences, le niveau de vie de l’Américain moyen ressemble maintenant étrangement à
celui de l’Européen moyen. Il faut, bien sûr, être conscient de l’existence de spectaculaires
exceptions dans un sens ou dans l’autre.
Cela aide à comprendre pourquoi
tant d’Américains ont rejeté l’assurance médicale universelle mise sur pied par
Obama. Pour une famille typique de 4 personnes (un couple et deux enfants) il
fallait compter une dépense supplémentaire d’environ $400 par mois. C’est la (grosse)
goutte d’eau qui aurait fait déborder le budget familial. On mesure, là encore,
la distance qui sépare les politiciens de la population. Pour les premiers,
$400 par mois c’est de la rigolade. Pour les seconds cela peut être une tragédie.
Dans la série télévisée Roseanne, on observe la vie d’une
famille qui, il faut le préciser, ne boit pas, ne fume pas et ne joue ni aux
courses ni aux jeux de hasard. Malgré tous leurs problèmes financiers, ils ne
passent pas leur temps à broyer du noir. L’atmosphère familiale est vivante,
aimante et pleine d’humour. Cette série a représenté une révolution dans la
façon dont l’Amérique s’observait elle-même.
Une variante plus amère sur le
même thème est apparue en 2000 : Malcolm.
Cette série présente l’immense avantage sur les autres de n’avoir pas de rires
enregistrés. Les prémisses sont les mêmes que pour Roseanne : une famille, certes déjantée mais travailleuse
arrive à peine à joindre les deux bouts.
Roseanne et Malcolm sont
des symboles ou, si l’on veut, des illustrations de la situation financière
difficile dans laquelle se trouvent des millions de familles américaines. En
les évoquant, Donald Trump a dit que c’était « un véritable carnage ».
Pourra-t-il y remédier ? Ce n’est pas sûr. Ce qui est sûr, par contre, c’est
que la presse bien-pensante va continuer à se déchaîner contre lui, et que
juristes, banquiers, politiciens professionnels et assureurs feront tout pour
lui mettre des bâtons dans les roues.
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