Chère Madame,
Vous connaissez bien mal les États-Unis. Vous écrivez dans un journal de droite, mais vous avez gobé pas mal de clichés anti-américains
distillés patiemment (et souvent avec talent) par les media de gauche,
c’est-à-dire les média tout court.
Que diriez-vous d’un journaliste qui décrirait la France
comme une vaste Seine-Saint-Denis ? Les mégapoles seront toujours plus
dangereuses que le reste du pays, quel qu’il soit. Or, New York n’est pas plus
dangereux que Paris (de nos jours, ce serait plutôt le contraire), et c’est précisément dans les mégapoles que les gens ont
le moins d’armes à feu. On y est prudent, comme vous l’êtes certainement
vous-même dans le métro parisien, mais on n'y est certainement pas mort de
trouille. S’il en était ainsi à New York, adieu les concerts, les boîtes de
nuit, les comédies musicales de Broadway, les théâtres et les restaurants.
Dès que l’on sort des grandes agglomérations, on change aussi
de monde. Comme on ne parle bien que de ce que l’on connaît bien, je vais
prendre comme exemple Arkadelphia, une ville de 35000 habitants à 2h de route
de Little Rock. Allez-y : ce n’est pas une exception. Vous y verrez des
voitures avec les clefs sur le tableau de bord pendant que leur propriétaire
fait ses courses dans un supermarché, et des pick-ups avec de l’outillage valant
des centaines de dollars laissés sur les ridelles. Le père de mon beau-fils a
acheté l’une de ces énormes tondeuses à gazon qui ressemble à un petit
tracteur. Il la laisse, en ville, devant chez lui. Elle y est depuis cinq ans.
Dans les hameaux de la région, on croirait parfois être
revenu aux années 50 en France, avec l’unique magasin du village qui vend de
tout, le facteur qui s’arrête pour prendre des nouvelles de la vieille Mme
Unetelle s’il sait qu’elle est malade, et les dimanches où 80% de la population
se retrouve avec plaisir à l’église.
Lors d’une entrevue télévisée, Meryl Streep, mentionnant le
fait qu’elle avait déménagé du Connecticut à New York, précisait qu’elle avait
eu un mal de chien à convaincre ses enfants de fermer à clef la porte d’entrée,
qu’ils soient dans la maison, ou qu’ils en sortent.
Non, chère madame, ce n’est pas le paradis, loin de là (mais
je vois venir vos sarcasmes) et les armes à feu sont trop facilement
disponibles. Personne ne vous contredira là-dessus. Mais n'oublions pas que, pour garder leur territoire de vente de drogue, les
gangs de jeunes noirs et Portoricains se canardent gaillardement tous les soirs dans certaines
banlieues, et gonflent ainsi les statistiques. Cela n'affecte pas le reste de la population.
Alors, de grâce, arrêtez avec ce « morts de trouille ».
La télévision et les films ne sont (heureusement) qu’un reflet exagéré d’une
certaine réalité, mais comme le disait François Mauriac, « Quand tout va
bien, il n’y a rien à raconter ».
J’ai vécu 10 ans aux États-Unis. J’y retourne tous les deux
ans. Je m’y sens bien, et personne ne m’y a jamais menacé.
C’est un pays qui a d’énormes problèmes, mais pouvez-vous me
citer un seul pays qui n’en a pas ? En tous cas, pour l’Amérique, « morts
de trouille » ne fait absolument pas partie de la liste.
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