2. Gordon. A la tour de contrôle, je travaillais souvent avec Gordon, un fort sympathique Américain qui venait de Ogden, Utah. Et, de même que pour les Américains la France c'est Paris, Utah, pour les Français, égale Salt Lake City. Ogen a tout de même près de 100.000 habitants ! La ville est située dans un cadre montagneux magnifique. Quand le trafic aérien nous donnait le temps de bavarder, Gordon et moi bavardions. Il mettait souvent de la musique 'country' dans la tour. C'était une découverte en ce qui me concerne et j'en ai gardé le goût. Mais c'est surtout la musique classique qui nous a rapprochés. Bien peu d'Américains avaient conscience qu'elle existât mais, chez les Mormons, l'orgue et les chœurs du Tabernacle avaient habitué la population à certains aspects de musique classique. Un jour, Gordon et moi parlions des cinq concertos pour violon de Mozart quand il me demanda à brûle pourpoint : "Es-tu homosexuel ?" Je ne le suis ni ne l'étais mais je voulus savoir pourquoi il me posait la question. Gordon était fort embarrassé et me demanda plusieurs fois de lui pardonner. Il m'expliqua que j'étais quelqu'un d'assez calme, que j'avais un diplôme universitaire en littérature française, que je n'allais pas me saoûler tous les vendredis soirs et que je ne déguelais pas sur le trottoir en revenant d’un bar mal famé à quatre heures du matin. Pour beaucoup d'Américains, j'exhibais par là tous les signes de l'homosexualité. Je demandai alors à Gordon si lui, il était homo. Non. Pour se faire pardonner, dit-il, il m'invita à déjeuner au meilleur hôtel de Kenitra un jour où ni lui ni moi n’étions de service. Ce qui fut dit fut fait. On nous servit en entrée des cassolettes de gratin d'huîtres. Un délice ! Moment inoubliable entre amis.
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