dimanche 3 novembre 2024

Bouilleur de Cru

 Petits métiers (3) : le bouilleur de cru.

 

  • Après Le dernier des Mohicans, on aurait dû écrire Le derniers des Bouilleurs de Cru. Ces personnages, souvent hauts en couleur, embaumaient les campagnes de mystérieux effluves. Pas question de déguster le liquide blanc qui s’écoulait en filet de l’alambic même si certains s’y étaient essayés. Quel village n’a pas sa tête brûlée, son matamore ou son demeuré ? Le bouilleur du Chefresne était à la fois estimé et respecté. Il installait sa charrette loin des regards, derrière une haie. Là, il  offrait le spectacle de fûts, ballons, tubulure et cylindres rutilant d’un cuivre astiqué avec amour. Le Chefresne est en Normandie. La distillation se faisait donc à partir du cidre. Le résultat ? Du Calvados, même si, en fait, nous étions dans la Manche. Les fermiers (et pas simplement les fermiers) de la région mettaient le précieux liquide dans des petits fûts de chêne et l’y laissaient vieillir en cave. C’est ainsi que j’ai eu le privilège de déguster du Calva de cent ans d’âge : du velours ! Pendant l’occupation, il avait fallu faire des prodiges d’invention pour le cacher aux Allemands mais, buveurs de Schnaps, ce n’étaient pas des connaisseurs. On leur donnait du n’importe quoi et ils en redemandaient. Après la libération, le vieux Calva ressortait parfois en petites quantités à l’occasion des mariages. On le savourait alors dans un silence qui en disait long car un commentaire eût gâché la magie du moment.

     

     

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire