Toutes les formes de vie ont des gènes en commun. Nous partageons un
bon pourcentage de gènes avec un brin d’herbe… C’est peut-être
pour cela que dans l’hindouisme on dit qu’il n’y a qu’une
seule âme, et que les dieux hindous n’en sont que les diverses
manifestations : une sorte de polythéisme qui n’en serait pas
vraiment un. Les religions étant les manifestations et créations de
rêves humains, il n’est donc pas étonnant qu’il y ait à
l’intérieur de cette grande âme, des dieux maléfiques,
exactement comme, en chacun de nous, il est possible de détecter le
meilleur et le pire. Une exception de taille : l’islam. Pour
un musulman, il n’y a pas de dichotomie interne. Le bien, c’est
lui ; le mal, c’est nous. Le succès de cette doctrine ne
s’est pas fait attendre. Qui n’a pas rêvé d’avoir toujours
raison et de gouverner le monde ?
En Égypte, et cela bien avant Akhenaton, il était admis qu’il n’y
avait vraiment qu’un seul dieu : c’était le Nil, devenu une
sorte de « dieu le père » de tous les autres. Pour les
Égyptiens, il fallait ajouter une descendance divine à partir du
soleil et des étoiles, en particulier Orion. Là aussi, le Bien et
le Mal cohabitaient. C’est un trait universel : Seti Vs Maat,
Kali Vs Shiva, Caïn Vs Abel, Lucifer Vs Jesus...
Le sentiment voulant que tout soit lié, non seulement le bien et le
mal, mais chaque aspect de la vie avec tous les autres, est partagé
par le monde scientifique. Il concerne non seulement la vie sur la
terre entière, mais la vie telle qu’elle a existé par le passé.
Voici, par ordre chronologique, trois exemples de liens inconscients
avec le passé :
Il y a 540 millions d’années (à quelques jours près) sont
apparus dans les océans des êtres vivants sexués et mobiles
protégés par une carapace ; autrement dit, des crustacés.
Difficile de s’accoupler dans ces conditions. Comment
faisaient-ils ? Ils se tenaient par la main. Le sperme du mâle
passait du centre de la palette de sa patte vers le centre de la
palette de la femelle. C’est encore le cas pour les langoustines.
La patte du mâle étant plus grosse que celle de la femelle, on
pourrait très bien aller chez son poissonnier et lui demander 12
langoustines mâles. On verrait s’il a le sens de l’humour.
Nous partageons beaucoup plus de gènes avec les langoustines qu’avec
un brin d’herbe. Voilà donc 540 millions d’années qu’une
partie enfouie très profondément dans notre cerveau nous incite à
prendre par la main la personne que nous aimons. Bien sûr, quand
nous prenons un enfant par la main, il y aune dimension affective,
mais il n’y a aucune dimension sexuelle. Entre amoureux cependant,
le symbole reste fort, comme l’attestent les scintigraphies du
cerveau ou même un simple électroencéphalogramme ; comme l’atteste
également la répugnance générale des hommes à prendre un autre
homme par la main. Prendre par la main n’est pas la même chose que
serrer la main, geste qui est devenu conventionnel et poli au cours
des âges. On serrera la main tendue d’un homme politique sans
avoir le moins du monde envie de le prendre par la main pour aller
faire un tour avec lui sur un chemin de campagne ou sur une plage.
Mon deuxième exemple remonte à environ 140 millions d’années et
l’apparition des premiers mammifères. Nous transpirons sur tout le
corps. Les mammifères à fourrure ne connaissent pas ce luxe. (Il y
a des exceptions, comme chez les ongulés.) Les mammifères à
fourrure transpirent par les coussins des pattes pour les
quadrupèdes, puis par les paumes des mains et des pieds chez les
ancêtres communs des singes et des hominidés. C’est pourquoi, de
nos jours encore, on peut voir des marques de pattes de chat en été
sur un carrelage frais. Les canidés transpirent également par la
langue. Le fait que les hominidés transpirent sur tout le corps, ne
les empêche pas de transpirer plus intensément en certains
endroits : aisselles, aine, paume des mains et plante des pieds.
En général, nous sommes peu conscients de la transpiration des
paumes, car elles sont la plupart du temps à l’air libre où
l’évaporation est quasi instantanée, ce qui empêche la
prolifération des bactéries, elles-mêmes génératrices des
mauvaises odeurs. Il n’en va pas de même pour la plante des pieds.
On sait également que certaines personnes suent beaucoup des mains,
et que ça les gêne en société. Amis chiens et chats,
rejoignez-nous : nos gènes sont les mêmes à 80 %. Si
seulement ce genre de réflexion pouvait encourager davantage d’êtres
humains à ne plus faire montre de cruauté envers des êtres dont
nous sommes génétiquement si proches !
Mon troisième exemple est beaucoup plus récent.
Les hominidés des deux ou trois millions d’années qui nous
précèdent, mais aussi, et encore de nos jours, les Bantous, les
Aborigènes, et toutes les ethnies qui ne peuvent pas faire
autrement, nourrissent les bébés dès leur sevrage en mâchant la
nourriture solide, et en la transmettant de bouche à bouche. Le
symbole est très fort : je t’embrasse sur la bouche
signifie : je te donne de la vie, tu me donnes de la vie. Là
encore, l’électroencéphalogramme explose, montrant s’il en
était encore besoin, que l’acte d’embrasser sur la bouche nous
remue profondément.
500 millions d’années est un laps de temps qui nous semble
immense, mais pour nos gènes, c’est tout à fait raisonnable. Au
tréfonds de nous-mêmes, nous sommes, génétiquement et
linéairement des entités presque indestructibles.
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