Faute d’avoir fait des études
spécifiques – l’École des Chartes, par exemple - Nous ne comprenons plus le
français médiéval. Cependant, lorsqu’il est adapté (plutôt que traduit) par des
érudits tels que Maurice Rat, nous en saisissons tout l’intérêt et toute la
beauté. Parmi les écrivains du Moyen-âge, il en est qui instinctivement, mais
certainement aussi avec un énorme talent, ont su choisir les mots qui ne
vieilliraient pas, ou très peu.
Que sont mes
amis devenus
Que j’avais de
si près tenus
Et tant aimés ?
Ils ont été
trop clairsemés.
Je crois le
vent les a ôtés.
L’amour est
morte.
Ce sont amis
que vent emporte
Et il venta
devant ma porte.
Les emporta…
Seul l’orthographe a été
modernisé : les mots eux-mêmes, n’ont pas été changés, encore moins « traduits ».
Si Ruteboeuf s’était laissé aller
à choisir des mots « à la mode », nous ne comprendrions plus rien, et
notre héritage culturel n’en serait que plus pauvre.
Que le français ait, au cours des
siècles, et comme toutes les autres langues, intégré des mots venus de l’extérieur,
rien de plus normal. Nous y trouvons de l’allemand : blockhaus, ersatz.
Du néerlandais : huître, brandy.
De l’italien : pergola, piano, soprano.
De l’arabe : algèbre, alchimie.
Du russe : mazout, clacksons.
Du turc : bazar, assassin.
Et bien d’autres.
Puis, il y a l’anglais. Il suffit
d’ouvrir une revue (et non pas un magazine) comme Elle ou Marie-Claire pour
y trouver un anglicisme par ligne. L’une d’elles, Challenge, a carrément opté pour un titre en anglais. Les journaux télévisés
ne font pas mieux ; la publicité non plus. Les supermarchés ont des drive, les grand couturiers ont la Fashion week, et les Renault ont la French touch.
Style, conception, aspect,
création = design.
Augmenter, encourager, développer
= booster
Vedette de cinéma = star
On pourrait citer des centaines d’exemples
de ce genre.
Que s’est-il passé ? Peut-on
analyser la mentalité de tout un pays comme nous pourrions analyser la
personnalité d’un seul être humain ? Y a-t-il une sorte de corps mystique français qui, à l’instar
des moutons de Panurge, pousserait toute une nation à se précipiter vers le
suicide culturel ?
« Les Français sont des
veaux » disait de Gaulle. Les grands pontes de notre soi-disant Éducation
Nationale en sont parfaitement conscients, et bien décidés à éradiquer tout ce
qui, de près ou de loin, conduirait les élèves du secondaire à s’identifier à
la France et au français. Moins on a de racines, plus on est influençable.
Dans un premier temps, on accepte
le franglais.
Dans un deuxième temps, on l’emploie
systématiquement pour faire « bien », pour avoir l’air « dans le
vent ». Mais quel vent ? Celui d’une civilisation que l’on en vient à
considérer comme nettement supérieure à la nôtre ?
Dans un troisième temps, on a
honte d’être Français, et on a honte de l’héritage culturel de la France. Inconsciemment,
nous nous sommes rangés parmi les citoyens de seconde zone.
Nous nous sommes réfugiés dans une sorte de dhimmitude intellectuelle par
rapport au monde anglophone.
Prenons plutôt exemple sur le Québec,
plus conscient du danger, et pourfendons les franglophiles et franglophones.
A l'opposé, ne blâmons pas les Anglais et les Américains pour ce qui nous arrive. Ce ne sont pas eux qui nous forcent à parler franglais : notre déchéance culturelle n'est due qu'à nous-mêmes.
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